DSCN1848Les frangins sont partis. Je reste et ne repars pas tout de suite. J'ai d'abord envie de passer du temps avec les enfants de We Gain Zone.
Sophie accepte gentiment de m'héberger pendant cette semaine.

Merci encore Christine alias From'Ange, parce qu'elle nous est d'abord apparue pour nous offrir du fromage (à moi qui n'en mange que si rarement) et a disparu presque aussitôt. Merci donc Christine pour m'avoir introduit dans ce centre pour enfants des rues. Merci pour m'avoir invité à cuisiner avec toi, pour eux, et puisque je n'ai  pu te dire au revoir, je te souhaite ici bonne chance pour la réalisation de tes projets et sache que quelqu'un m'a dit que tu avais un coeur de tibétaine !

 

We Gain Zone (ils ont une page facebook), après seulement 6 mois d'existence, venait tout juste de fếter encore un succès, car un 6° enfant venait d'être sorti de la rue et de la colle (drogue qu'ils sniffent pour alléger la réalité). Malheureusement, alors que les 4 premiers étaient là depuis longtemps, les deux derniers n'étaient là que depuis une semaine. Y a t-il eu tension dans le groupe d'enfants? Est-ce que nous, les adultes, n'avons pas compris ce qui se passait, ou avons mal réagi? Toujours est il que coup sur coup à mon arrivée, ils sont repartis dans la rue, "retrouver la liberté et fuir les règles du centre...".

DSCN1837"Liberté" des plus miteuses qui soient, car complètement illusoire. Ces enfants, entretenus par la générosité naïve des touristes occidentaux, survivent en groupe, dans la rue, avec l'illusion de la drogue que tout va pour le mieux. Ces enfants, en manque d'amour, ont souvent une famille qu'ils préfèrent fuir pour des raisons comme l'alcoolisme et trouve, sans doute dans le groupe, une entraide de débrouillardise qui fait illusion à l'amour. Toutefois, je ne crois pas vraiment à l'existence d'affection au sein de ces groupes qui changent avec le temps. C'est sans doute la loi du plus fort et du chacun pour soi qui prédomine. Je passe les détails sur ce qui se passe quand ils grandissent et que leur frimousse ne touche plus la corde sensible des Européens, et que la colle ne suffit plus... dealer? prostitution? et autres "affrosités" les attendent.
Bref, vous l'aurez compris, ce qu'il faut à ces gamins, ce sont des repères et de l'amour.
Au passage, et cela est sans aucun doute valable ailleurs qu'au Népal, merci de ne pas donner aux enfants des rues mais plutôt aux centres qui sont prêts à les accueillir. Et prenez aussi le temps de savoir à qui vous donnez, car il y a aussi ces orphelinats qui volent les enfants des campagnes (sous prétextes d'un bon travail en ville) pour vivre des dons des gentils Européens. Qui a dit qu'on ne faisait pas de profit sur la charité!
Donner c'est bien, très bien même, mais sachez pourquoi et à qui.

DSCN1846Revenons à la belle initiative qu'est We Gain Zone.
Lobsang Sangbo, un népalais ayant vécu et fait fortune aux USA a décidé de revenir au pays pour être utile. Il a d'abord ouvert une école pour enseigner l'anglais aux adultes et maintenant ce centre pour les enfants des rues. Avec l'aide de bénévoles européens qui habitent la ville, et de Sushil, ils ont construit un magnifique centre. Au début, les enfants y étaient accueillis pour manger un petit déjeuner et un dîner. Aujourd'hui, sous réserve de suivre quelques règles, ils sont invités à vivre ici. Après quelque temps passé au centre, un vélo est offert à chacun. Lobsang et Sushil préparent des sorties (vélo, cinéma) et activités (magie, théatre). S'ils travaillent, que ce soit pour le jardinage (ils ont un potager), la cuisine, la construction, les enfants gagnent un peu d'argent de poche pour s'offrir des friandises ou pour certains encore, des cigarettes (s'ils arrêtent, une sortie est prévue à Pokara, voir article précédent).
C'est le choix qu'ont fait Bijay (13 ans), Sagar (15 ans), Milan (14 ans) et son petit frère Sujan (12 ans). Au quotidien, c'est Sushil qui s'occupe d'eux. Ex-enfant de la rue, Sushil Babu Chhettri est aujourd'hui travailleur social, éducateur, réalisateur de documentaires (voir youtube "Flowers in dust" et "Mero ateet") et prochainement scénariste d'un documentaire sur l'enfance ces 20 dernières années au Népal.

DSCN1818Pendant une semaine, je suis passé quotidiennement au centre, pour apprendre à les connaître tous les 4. Je jouais avec eux, gymnastique acrobatique (salto), à la bagarre, au foot, ou bien je les aidais à cuisiner le dîner que souvent je partageais avec eux. Comme cette semaine là, Sushil était malade et qu'ils ont fait des bétises, ils ont été consécutivement privés de sortie cinéma et vélo. Tant pis. La différence d'éveil et de signe d'affection entre eux 4 et avec nous, et les pauvres malheureux que je pouvais voir dans la rue est saisissante. Je pense toutefois qu'il faudrait une structure intermédiaire pour sortir les autres de la rue. Ici, à We Gain Zone, c'est pour du long terme.
J'ai pu leur montrer ma petite présentation et comme ils sont tous de grands amateurs de dessin, ils ont tous les quatres été ravis de participer au relais de dessins.
Ils ont bien voulu partager leur rêves, mais j'aurai pu les deviner. Milan qui aime à montrer ce qu'il sait faire (magie, saltos, session de musculation), surtout devant ma caméra, veut être acteur. Bijai, toujours sur son vélo veut devenir camionneur. Milan, toujours prêt à donner un coup de main pour la construction du centre et qui aime bien quand les choses sont propres, rangées, neuves, veut être, et bien... constructeur. Sujan est encore jeune, il ne sait pas. Au foot, c'est lui qui avait la meilleur "vision du jeu". Bref, ils ont tous bourrés de qualités et s'ils se serrent les coudes, il n'y a aucun souci à se faire pour eux. J'espère avoir un jour de leurs nouvelles.

DSCN1831Pendant que j'étais chez Sophie, je suis aussi allé rendre visite à son orphelinat pour y faire ma présentation. Là-bas, il n'y a pas les mêmes moyens. Au regard du nombre d'enfants, ils ne jouissent pas du même espace. Par contre l'amour est le même, et le dévouement pour leur avenir également. Le directeur va tous les jours faire du porte à porte pour avoir de quoi nourrir les gamins le soir. Pour la deuxième fois depuis mon départ, j'utilise mon picoprojecteur. Les enfants sont sages et polis. C'est l'un des plus agés qui se charge de la traduction pour les plus jeunes. A la fin, j'ai plusieurs questions pertinentes, preuve de leur grande curiosité. Le relais de dessins est toujours autant apprécié.

Jezz-Acharya 13A chaque présentation, je pose la question suivante : "Pourquoi je ne prends pas l'avion?" et je leur fais savoir qu'il y a 4 réponses. Souvent, j'ai eu la réponse économique (bien que ce ne soit pas la plus valable, c'est parfois moins cher de prendre l'avion que de passer par la route), et parfois la réponse environnementale (ça fait longtemps que je ne l'ai pas eue). Quelque fois, certains m'ont demandé si j'avais peur de l'avion mais ce n'est pas le cas. Il est en revanche très rare que les deux autres réponses, la différence de perception de l'espace/temps et la perte de contact avec les locaux, soient trouvées.

C'est donc plein de ses nouvelles expériences, de rires, de joie et d'amour que je quitte Katmandou, heureux.

DSCN1908La route pour rejoindre Kolkata n'a pas été de tout repos. Parti tôt le lundi 10 février au matin , c'est à dire un démarrage du stop à 10h à l'extérieur de Katmandou, mon premier camion est le bon. Il va jusqu'à Hetauda. Le conducteur m'explique qu'il ne prend pas la route la plus courte, mais la plus praticable. Si c'est bon pour le camion, c'est bon pour moi.
En fait, je suis encore plus chanceux que je ne croyais. Il va jusqu'à Birganj, la ville frontière où il me dépose à 19h30.
Evidemment, le conducteur me demande des sous, et pas qu'un peu mais je négocie plaidant la fin de ma monnaie népalaise (il faut tricher un peu avec leur règle).
Je trouve une piaule pas chère dans un temple.. mais qui dit temple dit réveil à 6h du mat' !
Ce jour là, je me suis fait une réflexion au sujet des indiens/népalais : pourquoi nom de nom se réveillent ils si tôt puisque rien n'ouvre avant 10h?
Il s'avère que la seule banque autorisée à changer les rupies ouvre même à 11h. En effet, la rupie népalaise n'est pas une monnaie d'échange (ni la rupie indienne, ce que j'ai découvert après). Les Népalais qui veulent se rendre à l'étranger n'ont pas le droit de convertir plus de l'équivalent de 2000 $ et seulement avec une autorisation préalable. Les étrangers ne peuvent changer leurs rupies dans les lieux officiels qu'avec la preuve que ces rupies ont bien été obtenues par un échange préalable (et non pas acquises au Népal). N'ayant pas cette preuve (j'ai retiré à un distributeur), je ressors à midi de la banque... bredouille ! Je m'en remets donc au boutiques de change de la rue.
Le passage de frontière vers l'Inde se passe bien, dans un chaos des plus innommables, mais ça se passe bien.

DSCN1914Raxaul, la ville frontière d'Inde est une ville-rue très poussiéreuse car le goudron indien n'arrive pas jusque là. C'est une piste que la nuée de camion emprunte continuellement dans une symphonie de klaxons perpétuelle.
Comme on m'annonce qu'il n'y a pas de bus avant 21h, je me lance dans l'autostop. Très rapidement, un vieux monsieur me prend pour aller à Muzaffarpur, première vraie ville d'Inde, reliée au reste du pays par la voie ferrée. La route/piste est terrible et à chaque passage à niveau, c'est l'enfer. Allez savoir qui a inventé le concept de "file indienne" mais il ne devait pas connaître les indiens d'Inde... Au lieu d'attendre patiemment que le bouchon se résorbe, ils doublent par tous les cotés de façon à rendre la situation encore plus inextricable, passons....
Arrivés à destination, le vieux Mr me demande des sous... évidemment, mais il ne se contente pas de mes 50 Rs, il veut plus, et quand je lui en donne 100, le garçon de l'hôtel d'à côté qui est venu voir ce qu'on faisait me dit sur un ton agressif "Monsieur! ce monsieur est pauvre, donnez lui 250 Rs ! " (un indien seul dans une voiture personnelle n'est pas pauvre!) et le bus, c'était 150 Rs, alors ce sera 100 et... au revoir !
Cette curiosité mal placée permanente, cette agressivité régulière, et cette négation généralisée de ma personne réduite à un porte monnaie m'exaspèrent. Oui, je suis blanc, mais je suis humain avant tout.

DSCN1917A la gare, après une petite mésentente d'une grosse demi heure, je suis pris en charge par deux assermentés qui m'aident beaucoup. Au guichet, la madame se décarcasse pour trouver un moyen pour que j'arrive à Kolkata avant 13h le lendemain car l'enregistrement pour être volontaire chez les Missionairres de la Charité de mère Téresa a lieu à 15h. Elle me trouve un train au départ de Patna à 5h40 mais sans train pour m'emmener à Patna avant. Les deux policiers m'aident alors à trouver le bon rickshaw partagé (on est plusieurs à partager le rickshaw pour la même direction, c'est moins cher) qui va à la station de bus. Merci messieurs les policiers et madame du guichet, mes vrais coups de pouce du jour qui reboostent l'énergie.
J'arrive à la gare de Patna à 22h30. 7h à attendre dans la gare. Du coup, je m'impose de ne pas regarder le tableau d'affichage avant 4h du mat pour éviter la lenteur du temps qui passe. L'ambiance est glauque dans cette gare en construction, mal éclairée, peu propre et jonchée de corps de voyageurs et mendiants endormis. Avec la réputation mal famée de la région où je me trouve, le Bijhar, je ne suis pas 100% à l'aise.

DSCN1932A 4h, Aaaarrrrggggghhhhh..... mon train à 3h de retard! C'est 3h de plus d'attente mais surtout ça veut dire que je n'arriverai pas à temps aujourd'hui pour m'enregistrer comme volontaire chez les missionaires. Tant pis, j'aurais essayé.
Mon passe temps dans le train ce jour là... essayer de dormir!
J'arrive enfin, à 18h, à Howraw, la gare qui se situe au Nord ouest de Kolkata, et j'ai rendez-vous avec des couchsurfers à 20h30 au sud est de Kolkata. Encore une grosse demi heure de marche, un refus de me laisser entrer dans le métro à cause de mon bâton de voyageur, 40 minutes de bus et j'arrive presque à destination. Presque, car, après avoir rencontré Rishab qui ne peut finalement pas m'héberger, je suis Anjan, un très grand Indien, qui marche à grandes enjambées pour attraper un train (encore un) qui doit nous emmener chez lui. Il n'habite pas du tout dans le centre, mais au sud ouest de la ville, uniquement accessible en train.
Après un excellent diner végétarien, à 23h, j'ai droit à un bon dodo bien mérité.

Pour des raisons étatiques, d'absence d'accord de ferry entre l'Inde et le Sri Lanka, et de visa indien, je dois retourner à Kolkata pour visiter le Bangladesh de mi mai à mi juin. Si vous voulez m'écrire, merci de m'envoyer quelques mots par poste restante à la poste générale de Dacca (capitale du Bangladesh) à l'adresse suivante :
Nathanaël Leprette
Poste Restante
General Post Office
Banga Bandhu Ave
Dhaka 1000
Bangladesh

Si vous voulez recevoir une carte postale d'Inde ou du Bangladesh, merci de me le faire savoir rapidement,