DSCN1341Jeudi 28 novembre, à deux sur la moto, avec tout mon fatra, on rivalise avec les indiens et les birmans qui franchissent la frontière sans s'arréter. Pour eux, un salut, un regard suffit. Nous on s'arrète, j'ai besoin d'un tampon de sortie avant de pouvoir entrer en Inde. Je me dirige vers la petite cahute de douane qui me rappelle celle du Laos.
"Mingarlarbar!" (Bonjour!)
"No!"
"What no?" "Why"
"No exit here"
Comme je n'obtiens rien de plus, je leur fait comprendre que je reste, que j'ai le temps. Je peux attendre. Je remercie Yin Win Tun, et j'attends des explications, et surtout, une solution.
Petit, on m'appelait idéfix mais ça, ils ne le savent pas.
Il est 10h.

DSCN1343Je ne peux pas m'en sortir avec un peu d'argent, ils sont 5 douaniers et pas moyen de s'isoler avec le supérieur.
Toutes les heures, l'un d'eux vient me rappeler que je ne passerai pas. Je leur rappelle que je ne suis pas pressé, je vais attendre qu'ils appellent leur chef. Je leur explique mon projet, à l'aide du document magique traduit par Lone Lone. Je leur fait comprendre que je ne partirai pas d'ici sans avoir trouvé une solution pour passer par la terre.
Je sais que d'autres ont déjà traversé cette frontière, et ce, alors quil fallait un permis pour visiter les régions frontalières, tant du côté Myanmar que Indien. Aujourd'hui, les étrangers n'ont plus besoin de ces permis, alors pourquoi ne pourrais-je pas traverser... Je suis en rêgle, j'ai mon visa, l'Inde ne me refusera pas. Pourquoi le Myanmar ne me donnerait pas de tampon de sortie?
Les douaniers, très gentils, et ça je dois le souligner, ont toujours été très aimables malgré le problème que je posais. Ils n'ont jamais été désagréables et sont toujours restés courtois. Ils m'ont même offert le déjeuner.

DSC00020 SivabalaA 16h, Yin Win Tun revient s'enquérir de l'évolution de ma situation. Au même moment, un nouveau douanier, parlant anglais, vient m'expliquer qu'il n'est possible de traverser la frontière que muni d'une autorisation du ministère des hôtels et du tourisme. Sivabala, un jeune birman d'origine indienne s'était arrêté sur son chemin de retour pour connaître mon histoire. Il m'avait vu ce matin lorsqu'il passait en Inde. Sivabala dit qu'il peu obtenir cette lettre via une agence de tourisme que son "frère" tient.
Et bien voila, ça valait le coup d'attendre.
Sauf que quand j'explique à Sivabala que je n'ai plus qu'une semaine de visa, il me conseille alors de me rendre directement au ministère, à Naypyidaw. En une semaine, c'est la seule chance. L'autre problème, c'est je n'ai plus de sous, j'étais censé passer en Inde, et ici, il n'y a pas de change pour le dollard. Heureusement, Sivabala et Yin Win Tun me négocie l'hôtel de 20 à 7$ et me trouve un bus à 10$ pour retourner à Monywa demain matin. Il me reste 0,5 $ pour le dîner. Sivabala m'offre des biscuits pour mon petit dèj de demain matin et la journée. Autant dire que je ne dors pas très bien ni cette nuit là, ni la journée suivante dans le bus qui, pas cher, date de l'an Pèbre, et roule sur une route terriblement mauvaise (je ne l'avais pas noté à l'aller, je dormais révant de l'Inde).

DSCN1361Arrivé à Monywa, dans la nuit de vendredi à samedi, à 3h du mat, je me dirige vers l'hôpital. "Puis-je finir ma nuit ici? comme ça demain matin je suis sur place pour me faire enlever les points de suture?".  "Pas de problème!". Et alors que je pensais dormir par terre sur une natte comme les membres des familles de malades, ils insistent pour que je dorme sur un lit dans le coin infirmier. Très fatigué, mon seul refus a dû être bien mou. Je dors d'une nuit sans rêve jusqu'à 7h. Alors, une docteur m'enlève les points et renouvelle mes antibiotiques pour 3j (total 6j) et me donne de la vitamine C. Comme la première fois, je n'ai rien à payer. Les étrangers ont les soins gratuits. Comme la première fois, je fais un don à l'hôpital. Ayant vu les montants des honoraires et des ordonances (qqs dollars) et celles des autres dons (moins d'un dollar), les deux fois, j'ai donné 5$. Ah oui, j'oubliais, Sivabana m'a donné l'équivalent de 10$, au cas où. Autant j'avais accepté la nourriture avec reconnaissance, autant les billets, je les avait refusé 3 fois. Mais le lendemain matin, lors de mon départ en bus il me les a reglissé en main. Comment refuser une quatrième fois?
DSCN1363Il ne sert à rien que j'aille à la capitale, Naypyidaw, avant lundi matin. J'ai encore 36h à passer à Monywa. Qui peut m'héberger? Grand Papa Moine et Petit Moine Rieur bien sûr.
Quand j'arrive à leur monastère, je suis tout de suite reconnu et, presque aussi immédiatement, placé dans une voiture qui m'emmène vers un autre monastère, le Golden Mountain Meditation Center. Là bas, je suis installé dans un bungalow privé par U Thi La So Ya, le moine du temple qui parle anglais. Nourris, logés, au calme, avec séance de méditation, je retrouve mon énergie. C'est exactement ce dont j'avais besoin. Je profite de ce moment de stabilité pour faire un peu de lessive, écrire mon carnet et trier mes photos.
Le lendemain, c'est de nouveau la course, changer de l'argent un dimanche (héhé, les banques sont fermées), acheter mon billet de bus, et me laver les cheveux (la doctoresse a dit qu'aujourd'hui je pouvais).
C'est ainsi que j'ai acheté des bouteilles d'eau pour me laver la tête (pas confiance dans l'eau du robinet). Sauf que les coiffeurs ne veulent pas prendre la responsabilité de laver la plaie d'un étranger. Grrr la galère je vous jure.

DSCN1398Le soir, bus à 19h pour Naypyidaw, la capitale, où on arrive à 6h le lendemain, le lundi 2 décembre.
Il pleut. J'avais oublié que ça existait la pluie.
Je confie mes affaires au gars de la compagnie de bus car j'ai 20km à faire en taxi moto jusqu'au ministère des hôtels et du tourisme. Cette ville est une mégalomanie de l'ancien dictateur qui l'a créée ex nihilo. Ici, il n'y avait rien il y a 10 ans. Allez savoir pourquoi mais elle a été dessinée avec des distances inhumaines. Tous les batiments sont extrèmement éloignés les uns des autres, avec d'immenses espaces vierges au milieu.
J'ai eu un accident de moto digne de vidéo gag. J'ai rigolé intérieurement quand on s'est scraché contre le côté latéral du minivan. L'idiot a décidé faire demi tour, comme ça, sans prévenir, j'étais ahuri. Mon chauffeur ne pouvais rien faire. Sur le sol rendu glissant par la pluie, il ne pouvait ni freiner ni éviter brusquement sans déraper. J'ai rigolé car j'ai eu le temps de voir venir, nous étions à faible vitesse, au démarage.
Au ministère, la mauvaise nouvelle tombe rapidement : "Non, c'est impossible d'avoir cette autorisation en moins d'une semaine et demi, et puis, il vous faut un guide depuis Talewa, et puis..."
Quand j'entends, ça, je comprends. Je comprends que les gouvernements indien et myanmar ne se sont pas entendus sur cette frontière depuis la disparition des permis. Cette autorisation faisait sens quand ils leur fallaient s'assurer que le touriste était bien autorisé à entrer dans l'autre pays, mais plus aujourd'hui.
Il y a deux ans, il fallait un permis et donc un guide aussi pour aller de Talewa à Tamu du côté Myanmar et de Moreh (la ville frontalière indienne) à Guwahati du côté indien.
Aujourd'hui, chaque gouvernement a annulé ce besoin de permis mais l'autorisation pour traverser la frontière n'a pas encore disparu... C'est bête, pour un stupide papier inutile, me voila obligé de revenir en Thaïlande.

DSCN1340Deux options sont alors possibles. Je peux retourne à Phuket pour chercher un bateau pour les iles Andaman. Qui sait combien de temps ça prendra (c'est autant de temps perdu sur mon visa indien), et cela veut [sans doute] dire que je ne verrais pas ma famille pour Noël (alors qu'ils ont pris l'avion pour ça). Ou bien, tant pis, je ne ferais pas un tour du monde sans avion...
Il me semble que j'ai vraiment essayé de passer par la terre, l'attente en Malaisie et Thaïlande, les recherches internet, les contacts, les aller-retour un peu partout, mais là, ce ne serait pas raisonable. M'entêter plus serait juste idiot. L'administration, la géopolitique a raison de moi, le monde n'est pas libre!
Mon bus pour Hpa-an (ville en direction de la frontière thaï) part en soirée. J'ai une journée à attendre à la station de bus. Je la passe sur internet, à skyper avec mes parents, mon frère, ma soeur, et j'achète ce foutu billet d'avion. Ca fait cher le pont. Pour me retrouver de l'autre côté du pont de la frontière, ça m'aura coûté 10+9+4+9+5$ de transport jusqu'à Mae Sot + 110$ d'avion pour aller de Bangkok à Calcutta et quelques dollars pour aller jusqu'à Guwahati, 147$ le pont... et je ne fais pas le calcul de la distance que ça représente et qui remplace les 30 m de pont...
Quel drôle de monde.

DSCN1465A Hpa-An, devant attendre 24h à cause de la route à sens unique, je me fais héberger dans un monastère école, Shwe Yadana monastery. Le temple est plein d'apprentis moines qui étudient.
L'après-midi, ils font un peu défrichage. Je les regarde faire, et je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas en train de les aider. Ce n'est que quand je me prends en photo avec un bébé moine, et que je vois mon visage, que je réalise ma grande fatigue. Il faudra que je me repose à Mae Sot (la ville frontalière de Thaïlande).
La vue sur la vallée qu'ont peut avoir si on monte au dessus du temple est fantastique.
Je suis la coqueluche du temple pendant les 24h. C'est moi qu'ils prennent en photo au réveil, juste avant mon départ.

DSCN1473Le lendemain, alors que je m'apprète à monter dans le pick-up qui devait m'emmèner à la frontière, quelle surprise de découvrir que Yola m'accompagne pour le trajet. Yola, c'est la polonaise qui a partagé le dortoir avec Damien et moi et que nous avions retrouvé au lac Inle pour les trois jours de randonnée.
Au milieu du trajet, presque au sommet, l'essieu lâche au niveau de la roue avant droite. Remarquez que je préfère que ce soit arrivé avant le sommet, avant la descente. Il est déjà 12h, on n'a pas le temps d'attendre qu'ils réparent et puis pour ma part, j'aurais du mal à refaire confiance à la voiture. Yola arrète une voiture qui accepte de nous emmener à la frontière. Yola termine sa monnaie, moi j'ai donné la fin au monastère ce matin.
On passe la frontière et on cherche Smile guesthouse, la guesthouse où je suis censé retrouver Thyl et Laura dans quelques jours. Ils ont changé leur plan, le Myanmar était trop cher pour eux. Ils ont donc décidé de retourner en Thaïlande et Malaisie plus tôt que prévu.
Deuxième surprise de la journée, ils sont là à m'attendre. Ils pensaient partir demain matin pour Kuala Lumpur. Comme il connait bien la ville, Thyl me montre les bons plans.
En effet, je compte rester 10j à Mae Sot à attendre mon avion qui s'envolera le 14 décembre depuis Bangkok.
Comme j'avais la guitare, il avait pris un avion sans baggage. Comme j'ai pris une option baggage, je garde encore un peu plus la guitare. Et puis surtout, 10j à passer dans une ville où il ne se passe rien, j'en profite pour apprendre à jouer de cet instrument.

Bilan de Mae Sot, j'ai écrit trois articles, cherché des infos sur le nord de l'Inde pour les vacances en famille et j'ai joué de la guitare.

DSCN1533Le jeudi 13 décembre, je me mets en route vers Bangkok. Le stop se passe très bien, 3 voitures et j'arrive proche de Bangkok. Mon conducteur devant contourner la ville, il me laisse au bord de l'axe qui mène à l'aéroport. J'aperçoit alors un temple. Comme mon avion décolle le lendemain soir, je me dis que plutôt que de dormir à l'aéroport, une dernière nuit dans un temple thaï, me ferait plaisir. Je suis bien accueilli et on m'installe dans une salle de prière où je suis invité à dormir à même le sol (mais j'ai une salle de bain pour moi). Un moine, viens me chercher pour discuter et pratiquer son anglais. Il est fier de me réciter tous les mots qu'il connait dans plein de langues. Quand je lui demande comment me rendre à l'aéroport le lendemain, il me propose d'y aller en taxi et de m'y déposer car il doit se rendre en ville.
DSCN1538Il m'invite à rester jusqu'à 14h pour assister à une répétition théatrale de lycéens. Au petit matin, j'accompagne les moines pour une dernière collecte de dons. J'assiste à la répétition que mon moine supervise. Les lycéens viennent toutes les semaines pour préparer la représentation. Je n'ai pas compris dans quel cadre elle aurait lieu. Juste après, on part en taxi, d'abord ramener trois collégiens chez eux avant de nous diriger vers la ville.

Tout se passe bien à l'aéroport, et je m'endors dès que l'avion décolle. Chose ironique, l'avion de mon frère devait arrivé 5 min avant le mien, mais finallement le mien arrive 15 min en avance. Je le vois donc atterrir et l'attends dans les couloirs de la zone internationnale de l'aéroport. Je suis bien content de le revoir avec le sourire (je sais qu'il a été très malade en Malaisie). On récupère nos bagages avant de passer la nuit dans le hall de l'aéroport, en compagnie de Jimmy, un Australien qui était dans l'avion de Thyl.

DSCN1572Franchement, si un jour je pouvais foutre mon poing dans la gueule de celui qui a inventé la clim à moins de 25, ça me soulagerait. La nuit fut diablement froide!
On est pressé de sortir à 7h du mat quand on sait que le service de bus reprend. Comme Jimmy nous propose de nous avancer les rupees du bus, nous nous passons du change de l'aéroport qui propose un taux des plus crapuleux. Quand Jimmy nous montre ses billets, Thyl reconnait aussitôt les rupias... indonésiens... Jimmy avait changé pour 500$ australien en rupia indonésien et non des rupees indiens.Du coup, il change juste un peu pour le bus et on part pour le centre ville. Là, Thyl retire de l'argent pour nous deux pendant la longue attente au bureau des réservations de train (on rembourse Jimmy). Jimmy obtient son billet pour Bénarès, et nous pour Guwahati. Heureusement que l'Inde réserve des tickets aux touristes, sinon, il faut réserver pour janvier pour se rendre à Guwahati.
La gare de Calcutta est pleine de monde et d'activités. On se croirait dans Tintin au Tibet. Pour ceux qui se souvienne de mon passage au Kazakhstan, la vie dans le train y est très similaire mais sans eau chaude en libre service, et surtout, une paranoïa comunicative des Indiens. Les passagers cadenassent tous leurs baggages aux sièges... quelles mauvaises premières images de l'Inde et des Indiens.

DSCN1577Le trajet, prévu de durer 18h, fut long de 24h... un peu long au goût de Thyl qui venait déjà de passer 72h à attendre dans les aéroports. Bref, on est bien content d'arriver à Guwahati. On passe d'abord deux nuits dans un hôtel carrément sale, miteux et complètement déprimant avant de nous offrir des nuits au lodge de l'office de tourisme. La journée, nous nous occupons de préparer le voyage avec les parents. Nous passons par une agence de voyage qui s'occupe de louer la voiture et le chauffeur, la voiture ne pouvant pas se louer sans chauffeur, de réserver les hôtels et les activités (entrées dans les parcs etc...).
DSC 1094 AntoineLe 20 décembre, nous prenons le bus pour l'aéroport, pour chercher nos parents. Interdit d'entrer dans l'aéroport, nous sommes forcés de les attendre dehors. Ils arrivent, on les aperçoit dans l'escalator. Ils sont en forme. Quel bonheur de les retrouver et d'être presque tous réunis (bisous à ma soeur qui me lit).

Je suis enfin dans le sous continent indien. Si vous voulez que je vous envoie une carte postale d'Inde, du Bangladesh, du Népal ou du Sri Lanka, n'oubliez pas de me le faire savoir en me laissant un commentaire ou en m'envoyant un email.
Et si l'envie vous prend, je serais bien content de vous lire en recevant du courrier en poste restante.La prochaine poste ou je pourrais recevoir sera la poste de Katmandou (à envoyer très bientôt, avant fin janvier) :

Nathanaël Leprette
Poste Restante
General Post Office
Kathmandu, 44600
Nepal