Le 20 décembre 2013, mon frère Thyl et moi prenons le bus pour l'aéroport. Nous allons accueillir nos parents. Quel bonheur de les retrouver et d'être presque tous réunis (bisous à ma soeur qui me lit).
Après un rapide passage à l'hotel pour poser les bagages, il faut se rendre au centre ville en rickshaw (tous de la marque Piagio) pour aller payer l'agence de tourisme.
Problème, l'Inde, ou du moins cette partie de l'Inde récemment ouverte au tourisme, n'est pas adaptée au tourisme. Déjà pour changer 100$ en Rupees indiens, il nous avait fallu 1h30, dont une heure dans la banque qui voulait bien faire le change. Payer l'agence pour un tour de 10j, voiture et chauffeur (l'un n'allant pas sans l'autre ici), hotels et activités, il fallait retirer une bonne somme d'argent. Avec des distributeurs qui ne délivrent au maximum que l'équivalent de 160$ par retrait (10.000 Rs), nous avons tôt fait d'enrayer une carte bleue et de fatiguer les machines. D'autant qu'à cause de troubles politiques, tout est fermé ce jour là (notamment les banques) et que dans cette partie de l'Inde, les cartes sim étrangères ne sont pas acceptées sur les réseaux. On ne peut donc pas communiquer avec nos banques. Heureusement, l'agence, conciliante, a accepté qu'on paye un petit 10% de la somme à notre retour. Ainsi, nous pouvons partir avec l'équivalent de 100$ en poche, en attendant de pouvoir retirer de nouveaux dans quelques jours.
On part dès le lendemain, conduit par notre cher Kan, pour le parc national de Kaziranga. Mes parents font alors connaissance avec la conduite indienne. Et bien que, vivant en Arabie Saoudite, ils soient déjà un peu au fait de cette conduite approximative, là-bas, les axes routiers sont presque toujours à sens unique et en bon état. Ici, il faut ajouter la dimension dangereuse de la deux voies, le bordel des bas côtés et le chaos de la route... Attention les yeux! Le seul bon point qu'on puisse attribuer aux conducteurs indiens, qui au passage ne savent pas ce qu'est une boite de vitesse (comme ça s'est dit, je ne reviendrez pas dessus en montagne), c'est qu'ils savent céder la place. Ils n'ont pas cette fierté mal placée, qui existe partout dans le reste de l'Asie, à ne pas savoir utiliser le frein. On tente toujours de doubler mais si il y a un risque que ça ne passe pas, on sait se re-ranger derrière. Après, entendons nous bien, la notion de "ça passe" reste asiatique, aucun milimètre latéral n'est laissé à une marge quelconque de sécurité. Attention les yeux!
A l'approche du parc, une floraison de ralentisseurs indiens nous surprend. Au lieu d'un seul gros boudin de béton bombé, il s'agit d'une dizaine de tout petit boudin légèrement espacés. Ils sont d'une efficacité redoutable pour casser la vitesse des véhicules et les vertèbres des passagers.
Pas le temps de dire ouf que dès notre arrivée à l'hôtel, on réembarque dans une jeep du parc pour notre premier safari. Papa est comme un gamin à la vision de son premier éléphant (il oublie qu'il en a vue l'année dernière, mais c'est vrai, de plus loin). Thyl est comme un fou à la vision d'un gros martin pécheur, le kingfisher, d'un bleu des plus étonnant, un plumage magnifique. Moi, c'est quand j'aperçois mon premier Rataxès que je suis ramené en enfance. L'ennemi de Babar est là, devant moi et il est drolement impressionnant. Les rhinocéros à une corne sont rares. Remarquez que je ne serais pas sorti de la jeep pour saluer les éléphants non plus. Ce sont des grosses bêtes aussi. Et quand nous en suivont un qui marche devant nous sur le chemin, le garde forestier fait bien attention à garder de la distance. A chaque virage, l'éléphant regarde par dessus son épaule pour vérifier que nous gardons une distance raisonnable.
Le soir, alors que nous voulions nous inscrire au safari à dos d'éléphant pour le petit matin, npous sommes victimes d'une arnaque à la recompte de billets par le guichetier, on perd 1000 Rs et nous laissons tomber.
Nous profitons du deuxième safari en jeep le lendemain matin pour admirer des daims (ou biches, Thyl me corrigera en commentaire), encore des Babars et d'autres Rataxès, et surtout une multitude d'oiseaux tous plus beaux les uns que les autres, à l'exception du Kakou, baptisé ainsi par Thyl car cet échassier est chauve.
Après le parc, on vogue vers Majuli, une île au milieu du Bramapoutre, fleuve immensément large dans lequel nous avons la chance d'apercevoir des dauphins. L'ile est réputée pour ses oiseaux et ses monastères. L'un est spécialisé dans la confection de masques. Dans un second, les moines jouent de la musique et dansent pour nous offrir une protection des dieux. En transe, ils nous obnubilent.
Le 23 décembre, nous sortons de la région d'Assam pour entrer dans le Nagaland, région des anciens coupeurs de têtes où l'hindouisme n'a jamais pris racine. Cette enclave chrétienne est surprenante. Les routes sont défoncées pour ne pas dire inexistantes mais l'électricité et l'eau courante sont bien là, et surtout, il y a des poubelles. L'environnement nous semble d'une propreté incroyable. L'Inde, c'est crade! sauf ici. Pas de détritus sur les bords des routes et rues, pas d'odeurs nauséabondes, la propreté nous surprend :-)
L'autre surprise, ce sont les décorations de Noël partout dans Mokokchung. Des pères noël, des rennes, des bonhommes de neige, des guirlandes électriques partout. C'est beau, féérique, la fête de l'enfance dans toute sa magie. D'ailleurs, le lendemain matin, plutôt que d'aller visiter un village, nous décidons d'assister à la messe de Noël. Elle commence d'abord par une petite représentation interprétée par les enfants en introduction, puis, les sermons sont entrecoupés de chants de Noël dont "Douce nuit". A l'exception de la langue on ne se sentait pas vraiment perdus, et encore, pour nous, chaque intervenant s'est adressé un petit peu en anglais. A midi, tout le monde est convié à un buffet dans la rue, offert par le pasteur.
L'après-midi, on visite rapidement un village car, fête de famille oblige, tout est fermé. Notre guide, Aka, fort jolie, est bien embétée et ne sait trop comment nous occuper. Elle nous fait visiter un petit parc de village (où elle n'avait jamais mis les pieds auparavant).
A Mon, la seconde ville du Nagaland que nous visitons, nous sommes hébergés chez l'habitant. Trouver la masure, de nuit, avec personne dans les rues fut une petite aventure. Si il ne faut plus de permis pour se rendre dans cette région, il est toujours nécessaire de se faire enregistrer auprès de la police locale. Cependant, à part l'administratif, les assermentés ne sont pas d'une grande aide. Heureusement, un jeune se rendant à sa garde à l'hôpital, nous conduit chez notre hôte. Pas d'électricité, nous mangeons, nous douchons (les baquets d'eau chaude s'obtiennent sur demande) et passons la soirée à la bougie. Le lendemain, nous préférons déambuler à notre guise sans l'entremise d'un guide. Nous visitons la ville, son "super marché", et marchons jusqu'au village tribal (ex coupeurs de têtes), où, si l'église est bien en dur et suffisament grande pour accueillir tout le village, les habitants vivent dans des petites cases. Comme il est un peu tard, je n'ai pas grand espoir de partager un repas avec les locaux mais je demande quand même si il est possible de boire un thé. Nous sommes les bienvenus et accueilli par le patriarche d'une famille. Sa petite fille nous sert le thé avec des petits biscuits et un quelquechose qui restera non identifié (racine bouillie???). Ce n'est pas vraiment bon mais nous apprécions l'honneur qui nous est fait. De retour en ville, nous mangeons des biscuits et patisseries indiennes avec un autre thé.
Les patisseries indiennes sont souvent très sucrées et, en gros, de deux sortes, soit des biscuits mouillés (pour ne pas dire trempés) au sirop ou bien à base de panir (une sorte de fromage genre ricotta). D'ailleurs, la cuisine indienne, bien moins épicée que ce que je craignais [pour les parents], et aussi beaucoup moins diverse que je l'imaginais : riz, pains, curry, dal et fritures composent nos repas quotidiens. Le dal est une soupe de lentille. Le curry peut être standard ou massala (mélange d'épices du chef). Bien entendu, les currys peuvent être au poulet, au poisson, à l'oeuf, au panir ou encore à la chèvre (mais pas au boeuf évidement puisque cet animal est sacré). Les pains varient en tailles et épaisseurs sur le modèle du naan (pain plat) et sont cuits soit à la poêle, soit au four. La qualité va du très bon au franchement "ça se laisse manger", par contre c'est généralement bien copieux et on peut se faire parfois vraiment plaisir. Si les prix varient du simple au triple selon le standing de l'établissement, sans faire attention et en se faisant plaisir, nous n'avons que très rarement mangé pour plus de 12$ à 4.
A Jorhat, la ville carrefour de notre périple, nous décidons d'aller au cinéma regarder Le film d'action de l'année des studios de production indiens Bollywood, Doom 3. Une tuerie... de drolerie. Je ne suis pas certains que le public indien soit censé rire comme nous l'avons fait, mais nous ne pouvions pas nous arréter. Leur choix de référence au cinéma américain, leur utilisation des ralentis, des accélérés et des flashbacks, les coupures dans l'action pour introduire une chanson pendant laquelle tout le monde se met à danser, tout était drolement bon. La salle de cinéma était extrèmement sale et en mauvaise état, avec des pigeons comme locataire et une odeur d'urine des plus redoutable.
Pas loin, nous avons visité le parc de protection des gibons. On y recense aussi d'autres singes et d'autres espèces. Nous avons pu y observer un couple de gibons avec un petit qui menaient leur vie, haut perchés dans les arbres. Nous avons vu aussi quelques belles grosses araignées mais aucun autre mamifère.
Avant de rentrer à Guwahati, nous avons fait un crochet par le parc national de Naméri, réputé pour ses oiseaux et le tigre du Bengal. En arrivant, et après avoir un peu bougé le cul des locaux, nous avons pu descendre la rivière en canoé comme prévu. Sauf que pour notre plus grande surprise et déception, nous n'étions pas tous les 4 dans un seul canoé mais nous devions nous séparer sur deux canoés avec chacun deux rameurs qui assuraient la descente. Ce n'était pas l'excursion la plus marrante, mais embarras mis de côté, nous étions libre d'observer les berges à la recherche du tigre. Nous avons vu beaucoup de très jolis oiseaux dont des canards dorés (Thyl précisera le nom) et un kingfisher noir et blanc.
Dans la nuit je suis tombé malade, et le matin je n'étais pas en état de faire la petite randonnée. Ils sont partis 4h mais il parait que je n'ai rien raté (mon oeil) sauf des crottes de tigre fraiches.
Du coup, de retour à Guwahati, Maman et Thyl, inquiets de mon état, ont annulé la visite des ponts vivants (ponts de lianes) que nous devions aller voir au sud. Nous profitons des deux derniers jours pour faire quelques emplettes aux marchés textiles de la ville (étoles, écharpes, robes, en soie, en laine de yak, en pashmina...). Le 3 janvier, nous racompagnons nos parents à l'aéroport. La tête pleine d'aventures et de découvertes, on se dit au revoir et à bientôt (pour Thyl et mes parents très prochainement puisque mon frère rentre en France à la fin du mois et mes parents aux vacances de février. Quant à moi, je devrais rejoindre mes parents en Arabie Saoudite avant la fin de l'année).
Avec Thyl, nous passons 48h dans un hôtel proche de l'aéroport pour attendre un troisième compère, Jean-Baptiste, qui viendra compléter les trois frères que nous serons le mois suivant. Au programme, visite de l'Inde du Nord Est et d'une partie du Népal.
Commentaires
Faut dire que si on t'avait dit que durant ton sejour sur les toilettes a Nameri, on a vu un genre de colibri, des ecureuils geant, des loirs geant, un Calao bicorne, une biches (oui il y a des daims a Kaziranga et a Nameri des cerfs) j'en passe mais bien sur, LA CROTTE DE TIGRE! t'aurais ete jaloux lol
J'ai eu la chance de croiser ton père qui était de passage à Clamart en début de semaine, on a discuté un peu d'Arabie et d'Inde, et ça m'a donné envie de retourner voir ton site auquel j'ai été quelque peu infidèle ces derniers temps.
Je vois que tu as fait du chemin ! C'est un super voyage, tous ces pays d'Asie ont l'air plus beaux les uns que les autres. J'aurais aimé voir ces beaux oiseaux indiens ! Merci de nous faire partager tes émotions tes rencontres !
Bises,
Emmanuel
@Emmanuel : Oui, j'ai fait du chemin, mais en même temps, pas tant que ça. Mon tour du monde en trois ans sera beaucoup plus long. En trois ans, j'arriverai sans doute à tout juste finir l'Asie.
Et si je veux continuer, il va me falloir trouver un moyen pour remplumer mon portefeuille
Ainsi, je pourrais continuer à partager mes aventures avec vous.
Bisous,
Yogo
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