Anjan, mon hôte CS, est docteur en médecine Ayurvedique, une médecine indienne qui se base sur l'alimentation et une hygiène de vie irreprochable. Sans doute très intéressante et sans aucun doute elle offre des résultats satisfaisants, mais elle manque cruellement de fléxibilité et s'adapte mal à une vie quotidienne spontanée. Levé 4h du mat, deux repas par jour (uniquement et exclusivement, pas de snack), végétarien bien sûr, et couché 20h. Avec plus d'une heure de transport, un volontariat toute la matinée (jusqu'à 13h) et un retour pour 18h (diner), ça ne laisse qu'un grand maximum de 4h de battement pour se reposer et visiter la ville. Je déménage donc assez rapidement dans une chambre, au centre ville, à 5 m (vrai de vrai) de la porte de Mother Thérésa House. Du volontaire le plus éloigné, je passe à un des volontaires les plus proches :-)
Mother Théresa, soeur catholique, fondat l'ordre des Missionaire de la Charité, à Kolkata, et consacra sa vie à s'occuper "des pauvres, des plus pauvres". Prix nobel de la paix, vénéré en Inde et sanctifié dans le monde catholique (béatifiée en 2003), elle est une icône de la compassion dans le monde entier. Les Missionaires de la Charité sont présents partout, et mère Théresa voulait aider tout le monde. Même à New York, il y a un accueil pour les malades atteint du Sida qui furent rejettés par la société à une époque où cette maladie était méconnue et faisait terriblement peur. Les soeurs des Missionaires prononcent les voeux classiques de pauvreté, chasteté et de dévotion à Dieu, mais en plus, elles font voeux de s'occuper des pauvres et nécessiteux. Il faut plusieurs années de formation avant de pouvoir intégrer l'ordre. Elles doivent nottament apprendre l'anglais, la langue officielle de l'ordre car Elles ne choisissent pas leur mission et peuvent être envoyées à n'importe quel moment, n'importe où, pour y rester une durée indéfinie. Elles sont donc souvent, après plusieurs années, multilingues. Les soeurs (je ne sais pas pour les prêtres) ne rendent visite à leur famille qu'une fois tous les 10 ans. Pas d'ordinateur, pas de téléphone, elles ne correspondent que par courrier.
Il est possible, et ce depuis les débuts des missionnaires d'être volontaire et de les aider. Pas besoin de connaissance particulière, pas besoin de rester longtemps, et même pas besoin de prévenir. On peut, une fois sur place décider d'être volontaire pour une seule matinée.
Le matin, tout le monde se retrouve autour d'un petit déjeuner à 7h à Mother Théresa House. Tous les volontaires se retrouvent pour discuter, échanger et blaguer avant de travailler. (Pour les lève tôt et pratiquant, il y a une messe à 6h.) Puis, après une petite prière à Jésus et la vierge Marie, nous chantons ensemble un petit au revoir aux volontaires dont c'est le dernier jour. C'est très émouvant, et lorsque ce fut mon tour, j'avais les larmes aux yeux. Thank You (3x), Love you (3x), Miss you (3x)! C'est simple mais c'est puissant. Et finalement, on l'entend rarement dit avec autant de sincérité et de coeur.
A 7h30, on forme des petits groupes qui vont chacun à des centres différents. Il y des centres pour tout le monde, les enfants, les handicapés (physiques/mentaux), les blessés (là, il faut être médecin, infirmier ou rester longtemps pour y être volontaire), les vieux (femmmes/hommes). Moi, j'était à Brem Dan, un centre pour vieux. Sur place, le travail physique consiste à laver le linge, laver le sol (désinfecter), laver la vaisselle, servir les repas, courrir après les fauteuils roulants et les bouteilles de pipi qu'on distribue vide et qu'on va vider et laver ensuite. Mais le travail le plus important est de donner toute son attention, avec le plus de compassion et d'amour possible à ces vieux qui ont eu des vies difficiles et pour lesquels, souvent, ces sentiments faisaient défaut. Il faut donc serrer les mains tendues, s'assoir avec eux et discuter (que dis-je écouter et hocher de la tête). Puis, avec l'assurance et la confiance, on peut donner à manger à ceux qui ne peuvent pas manger seul, raser tous ces messieurs qui, comme tous les indiens, sont très coquets, et enfin, si vous savez faire masser leurs bras et jambes qui en ont besoin (parfois, huiler la peau trop sèche suffit). J'ai eu la chance d'être volontaire avec Helmut, un allemand de 87 ans qui est volontaire 6 mois de l'année, chaque année depuis 12 ans. Il m'a appris à administrer quelques massages à certains pensionnaires, et c'est donc ce que j'ai fait pendant la deuxième moitié de mon volontariat de 10j. Merci Helmut!
A la guesthouse, le style de vie me correspond beaucoup plus que chez Anjan. C'est l'auberge espagnole.
Il y a 6 chambres, un espace de vie et une cuisine équipée où chacun, à tour de rôle, cuisine le soir pour les présents (en 5 jour, je n'ai pas eu le temps de me proposer).
Je partage une chambre avec Marco, un italien débonnaire qui aime la vie et blaguer : "C'est bon, non?" "Pourquoi pas!"(en français dans l'oral :-).
On retrouve la même diversité de passeport chez ces pensionnaires que chez les volontaires.
Je souhaite remercier toutes les personnes suivantes avec qui j'ai passé un temps précieux (si votre nom n'est pas listé, c'est parce que je n'ai pas eu l'occasion de vous le faire orthographier dans mon carnet, merci de m'envoyer un email) :
Volontaires : Jan (Hollande), Sandro et sa femme (Italie), Paul (belgique), Massimo (Italie), Eva (Allemagne), David et Caroline (Afrique du Sud), Chad (Canada), Helmut (Allemagne), Sunmi (Coréenne), Takashi ( Japon) et Ace (Japon)
Colocataires : Marco (Italie), Chiu Hua Ling (Taiwan), Carla ( Crète), Patrick (USA ou Australie, je ne sais plus), Daniel (Australie ou USA, je ne sais plus), Odyssey (Chine, Xi'an), Stéphania Ling (Hong Kong?)
Pendant mon séjour chez les missionaires, et alors que je suis toujours en train de lire "Le lvre tibétain des vivants et mourrants" de Sogyal Rinpoche, que je trouve très inspirant et vous invite à lire et méditer, j'e décide d'aller écouter ce que ces soeurs catholiques ont à raconter. Après tout, j'ai une culture chrétienne mais ça fait longtemps que je ne me suis pas vraiment intéressé au sujet. Je suis donc aller à la discussion libre du dimanche après-midi. La discussion se déroule en français, elle est animée par une soeur originaire de Kolkata qui a appris le français en Afrique (joli accent très éxotique). J'ai beaucoup parlé de mon voyage, de mon projet, et répondu aux questions.
Je me souvient nottament d'une question de la soeur qui m'a destabilisé :"Qu'est-ce que toutes ces rencontres t'apportent?". Oui, c'est vrai ça... je voyage pour la rencontre... mais finalement, qu'est-ce que je reçois de toutes ces rencontres (hors apprentissage par la découverte), très souvent ephémères? Spontanément je réponds "de la joie". C'est beau mais est-ce tout ce que j'ai à répondre à cette question, simple, mais finalement d'une importance capitale? Après quelques temps de réflexion, "la confiance" m'apparait comme une évidence. Toutes ces rencontres me gonflent d'une confiance en l'Homme, son monde et son futur, que j'essayais, avant, de me convaincre d'avoir. Avant, je me persuadais qu'il fallait faire confiance si on voulait avancer, et qu'il fallait avoir confiance en un futur meilleur si on voulait qu'il se réalise. Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de me persuader, la confiance, je l'ai, et elle grandit avec chaque belle rencontre.
(Le paragraphe suivant est un mélange de réflexion personnel, et d'envolée philosophique, à ne lire qu'à tête reposée, il s'est imposé à moi sans préméditation, lors de l'écriture).
Puis la soeur parle un peu cathéchisme. J'ai alors comme un sursaut. Je ne suis pas sûr de bien entendre ce qu'elle raconte.
Est-ce moi qui ne comprends rien à rien où bien est-ce qu'elle raconte au mot près ce que j'ai lu ce matin dans le livre boudhique?
Plus j'écoute ces paroles, plus celles de Sogyal Rinpoche lui font écho. Quand l'un parle de compassion, l'autre parle d'amour, quand l'un parle d'éveil, l'autre parle de communion, quand l'un parle d'enfer sur terre, l'autre parle de samsara, quand l'un parle de karma, l'autre parle du bien et du mal, Quand l'un parle de Dieu (l'Homme à son image, dieu fait Homme...) l'autre parle d'impermanence et continuum.
Finalement, je me dis que les philosophies de ces deux religions (quid des autres?) ne sont pas si éloignées. Et que si l'institution de l'église catholique me rebute toujours autant, c'est aussi le cas des pratiques religieuses des petits et grands véhicules (les deux courants religieux bouddhistes, comme le sont le catholicisme et le protestantisme pour le christianisme).
Est-ce que les guerres de religions ne seraient que des guerres de vocabulaires? Ne sont elles dûes qu'à l'ignorance de la différence entre messages philosophiques/religieux (à travers des petites histoires, parfois longues de plusieurs livres :-), et leurs transcriptions pratiques au quotidien (qui malheureusement passent par des croyances aveugles)?
Ne serait-ce pas ça que les Lumières avaient cherché à faire savoir en voulant sortir de "L'obscurantisme"? Sauf, qu'à trop diaboliser les religions, au lieu de les expliquer, ils en ont créé une autre, l'athéisme/matérialisme, qui par sa réponse nihiliste à tout et sa croyance en rien, fabrique une société d'incertitude. L'incertitude, n'entraine t-elle pas le manque de confiance (en soi et autrui) et donc le sentiment d''insécurité? (le sentiment d'insécurité, pas l'insécurité) On m'a toujours mis en balance la dualité française suivante : productivité (meilleure du monde) et consommation d'antidépresseurs (plus importante du monde). N'y aurait-il pas un triptique en rajoutant les 40% d'athées en France?
Pas catho, pas boudhiste, pas athée... certainement! Pas croyant, sans doute mais religieux, peut être...
Citation d'Albert Einstein qui se disait religieux d'aucune religion, et certainement pas athée :-) :
"Un être humain est une partie d'un tout que nous appelons: Univers. Une partie limitée dans le temps et l'espace. Il s'expérimente lui-même, ses pensées et ses émotions comme quelque chose qui est séparé du reste, une sorte d'illusion d'optique de la conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous restreignant à nos désirs personnels et à l'affection de quelques personnes près de nous. Notre tâche doit être de nous libérer nous-même de cette prison en étendant notre cercle de compassion pour embrasser toutes créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté". Albert Einstein
Sujets à approfondir! un jour, sur un autre blog...
Revenons à nos vieux. Quand le dernier jour est arrivé, j'étais très ému et bien triste de dire au revoir à certains pensionnaires et à mes nouveaux amis volontaires. Pourtant, si d'habitude, pendant mon voyage, je reçois beaucoup plus (hébergement, accueil...) que je ne peux donner (quelques présentations à des enfants, aide aux champs...), ici, c'est moi qui est complètement donné de ma personne. Et bien le au revoir a été au moins aussi difficile qu'ailleurs. Merci les soeurs de nous offrir cette opportunité de volontariat. Je réalise que c'est la première fois que j'étais volontaire dans une grosse structure. D'habitude, je viens en aide à une ou deux personnes qui travaillent sur des petits projets, ici, c'est une grosse machine, internationnale, et qui pourtant fonctionne très simplement, localement. Bravo!
Pour mon dernier après-midi, nous avons fait un tour de la ville, sur les traces de Mère Thérésa. C'était un peu trop "culte" pour moi et je pense que ça lui aurait fait bizarre à Mère Thérésa d'être placé sur un piedestal comme ça, elle qui a toujours éssayé de rester simple et humble. D'ailleurs, j' ai appris ce jour là que jamais, de son vivant, elle n'a parlé de son appel de Dieu, c'est l'église qui l'a divulgué après sa mort. Ca plus la béatification, ça la rend beaucoup moins accessible, moins humaine dans un sens.
Surprise, c'est Aurélie et Marion qui débarque depuis Varanasi et sont venu me saluer (elles savaient que c'était mon dernier jour). Quel bonheur de les revoir. Bonne route pour la suite les filles!
Je ne vais pas bien loin puisqu'Anjan m'invite à aller dans son village natale, Ajyodha, pour y rencontrer les enfants de l'école de sa cousine.
Hébergé chez son oncle deux nuits, nous allons voir des daims au levé du soleil dans une petite réserve. Son voisin m'invite à faire le tour du village à moto. Nous visitons le lycée et le théatre (un magnifique, immense espace vert où ils reçoivent des artistes du monde entier), et nous assistons à un festival de danse tribale dont les artistes viennent d'un peu partout en Inde.
L'école a été fondée il y a 5 ans par un Guru qui enseignait alors à 12 élèves. Aujourd'hui, l'école est superbe et accueille une classe par niveau. En uniforme orange (safran dirait Anjan, la couleur du renouveau, du soleil levant), les enfants n'ont cours que le matin. Tous locaux, ils viennent en bus ou à vélo. A 10h, ils ont une petite pause pour manger un encas préparé par leur mère et transporté dans des petites boites métaliques ou en plastique.L'organisation laisse beaucoup à désirer, et tout est compliqué, comme partout et pour tout en Inde. Il m'aura fallu trois jours pour pouvoir, d'abord faire une petite introduction d'une demi heure à chaque classe, puis faire deux fois ma grande présentation d'une heure avec vidéo projecteur et faire l'échange de dessins. Pour la grande présentation, il faut 2h pour que soient installés support blanc de projection et électricité. Et bien sûr, alors que j'avais bien précisé n'avoir que 120 dessins, je me suis retrouvé à ne pas pouvoir faire l'échange avec certains gamins car ils avaient vu trop grand. Comme toujours les indiens ont fait les choses à leur manière sans écouter ce que je disais. Tant pis, j'étais vraiment désolé pour les enfants.
Par contre, j'ai eu de magnifiques dessins, parfois un peu grand pour mon petit sac (double du A3...), mais éclatant de couleurs, et bien fini.
Je quitte Kolkata et sa région, avec le même sentiment de joie qu'à Katmandou, heureux.
Maintenant, direction le SUD, Madras, rebaptisé Chennai il y a plusieurs années.
Pour des raisons étatiques, d'absence d'accord de ferry entre l'Inde et le Sri Lanka, et de visa indien, je dois retourner à Kolkata pour visiter le Bangladesh de mi mai à mi juin.
Si vous voulez recevoir une carte postale d'Inde ou du Bangladesh, merci de me le faire savoir rapidement.
Commentaires
pour ce qui est de la religion, nous sommes tous marqué par l'éducation que nous avons reçue, mais la peur est toujours mauvaise conseillère, et l'obscurantisme existe et enferme l'homme dans un esclavage qui le dépasse, il ne sagit pas alors de se croire plus fort, mais savoir "passer son chemin" l'humilité de mother qui baissait la tête et ne s'occupait que des plus pauvres des pauvres.
Tu vas à Madras, vas si tu peux au bidonville du Père Ceyrac, dommage il est au ciel, mais son bidonville doit toujours accueillir quelques volontaires mordus et internationnaux.
bonne suite de voyage Mireille
J'ai été à Chennai (anciennement Madras) mais cette ville m'a repoussé et je n'y suis pas resté.
Bises
Yogo
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