DSCN3909Mohammed Nabi Ali, que j'appelle Baba (père), le père de Gaddar est venu avec son neveu, Sadikol, m'attendre au bureau de Golam Horshed. Quand nous arrivons, après les présentations d'usage, je repars avec ma nouvelle famille, dans ma nouvelle maison. La situation est assez cocasse.
Gaddar, mon ami jardinier, mon désormais frère, rencontré à Ipoh, est toujours bloqué là-bas. Son "agent", comprendre l'ignoble exploiteur qui prend les passeports dès l'arrivée des pauvres travailleurs étrangers en leur promettant monts et merveilles, ne veut pas lui rendre le sien, et ce depuis septembre (on est en mai). Il ne peux donc pas rentrer au pays pour voir son père souffrant. Il m'a demandé de lui rendre visite.
Dans la culture musulmane, recevoir quelqu'un chez soi est un honneur, un voyageur, un plaisir, un fils, un bonheur, et si par malheur on ne l'a pas vu depuis longtemps (dans mon cas jamais, mais frère du fils, je suis fils), c'est une réjouissance. Ainsi donc, nous trois, Baba, qui ne parle pas un mot d'anglais, Sadikol qui peut traduire un peu, et moi faisons connaissance en étant introduit par Gaddar au téléphone.
Je chamboule tout leur plan en refusant, poliment mais fermement, d'aller dormir à l'hotel qu'ils avaient réservé, sous prétexte que leur maison n'est pas adéquate pour recevoir un jeune européen. Je sais que je leur fait plaisir en honorant leur maison.

DSCN3913Ils vivent un peu à l'écart de la ville, en milieu très rural. Autant dire que la vie y est simple, rustre et sans doute difficile. La maison, en taule ondulée, est petite. Elle comporte deux pièces, une qui devient ma chambre, avec mon lit, et la seconde dans laquelle je ne suis jamais entrée, les deux ne communicant pas entre elles. Tout se passe à l'extérieur dans l'espace partagé avec la maison voisine. Les femmes cuisinent dans un coin, tout le monde mange au centre, les toilettes, un trou caché par une paillase, sont dans un autre coin, et le point d'eau est entre les deux maisons. Le point d'eau, partagé, sert pour la cuisine, la vaisselle et la toilette. Heureusement, chez Sadikol, ils ont un système de douche en remplissant des réservoirs situés sur le toit de la maison. Ca simplifie légèrement les choses, surtout quand on doit se laver en publique. Je vous laisse apprécier l'idée d'une telle opération. Les femmes se lavent en sari, et les hommes en longhi (prononcé longui). J'ai donc dû me changer, apprendre à porter un longhi et me laver avec. Alors déjà, se changer... en public, et quand je parle de "en public", j'ai oublié de vous décrire la masse de pairs d'yeux qui me scrutent du moment où je me lève au moment où je vais me coucher. C'est le village entier, et sans doute alentours qui vient observer le blanc, que je sois occupé à une activité chose ou bien que je sois assis à méditer et observer le temps qui passe.
Les premiers jours, il faut donc trouver une diversion pour se changer. J'apprends plus tard qu'un longhi s'enfile par le haut (les filles trouveront ça logique, c'est comme une robe), mais moi j'ai toujours enfilé mes pantalons par le bas, donc ça ne m'est pas venu à l'esprit... on peut donc, après la douche, enfiler le longhi sec par le haut, en même temps que l'on se débarasse du longhi mouillé par le bas.

DSCN3980J'habite chez Baba mais je passe la plupart de mon séjour en compagnie de Sadikol, à visiter alentours et à être présenté à la famille, élargie, aux amis et même simple connaissances. Avec Baba, nous retournons une fois en ville car il veut me montre le terrain que Gaddar a acheté et où leur futur maison sera construite.
Avec Sadikol, je visite l'école coranique, la mission chrétienne et l'école publique, où il a étudié. C'était un élève studieux apprécié de tous. Pour ce rendre à cette école, il marchait 1h aller, 1h retour. Aujourd'hui, il est étudiant en ingénieurie et il rêve de voyager.
Nous allons aussi au marché frontalier. Tous les mardi, un no man's land, entre les frontières, tient lieu de marché. Indiens et Bangladais s'échangent ainsi leur produit. J'ai été très surpris de ne pas avoir à montrer mon passeport. Nous avons sympathisé avec deux amis indiens qui nous ont offert le thé. S a prévu de les revoir pour qu'ils s'échangent des cours de langues. Nous sommes tous les deux invités chez eux. Pour ma part, ils n'habitent plus vraiment sur mon trajet puisqu'ils habitent au Nord Est de l'Inde, proche du Myanmar.
Les Bangladais aiment être pris en photos. Plusieurs fois, alors que je voulais prendre un enfant en train de jouer, dès que l’objectif de mon appareil photo pointé le bout de son nez, c'est une dizaine d’autres enfants qui se ruer sur lui pour être sur la photo. Non seulement les gens se laisse prendre en photo en souriant, mais souvent, ils sont demandeurs. J'ai même fait des détours pour prendre une photo de Tata et Tonton Toutlemonde.

DSCN3921De retour à Sylhet en bus, je n'arrive pas à contacter Golam Horshed, tant pis. Je rentre en train de nuit pour Dhaka. J'arrive à la maison à 7h du mat.
Dans le train, je médite sur une phrase d'Alexandre Poussin (voir Africa Trek), "La richesse du pauvre, c'est de donner". C'est tellement vrai.
Je suis pauvre pour un standard européen, à vivre avec moins de 10$ par jour, à n'avoir aucun revenu, très peu de capital et aucun bien (hormis mon sac à dos), mais je ne me considère pas comme pauvre. Il m'est d'ailleurs impossible de l'être tant que je voyage avec mon passeport français.
En général les gens que je rencontre, partout dans le monde, sont considérés comme pauvre et ils prétendent être pauvre ; il y en a, la famille de Gaddar est effectivement très pauvre. Pourtant, de la même manière que je trouve les notions de "pays developpés" et en "voie de développement" dépassées, la frontière entre" riches" et "pauvres" m'apparait flou. Un toit, un lit, une douche, des toilettes, une TV, un smartphone, la majorités de mes rencontres ont ça. DSCN4011Alors oui c'est vrai, les "pauvres", leur TV n'est pas 3D et ils n'ont que le samsung galaxy S2, et ils n'ont qu'une moto, pas une voiture, mais est-ce des raisons pour changer de catégories? Je ne crois pas, non. Je ne nie pas l'existence de vrais pauvres comme la famille de Gaddar, ses voisins et d'autres habitants du monde rural, mais il me semble qu'aujourd'hui, on colle l'étiquette pauvre, à des gens qui ne sont plus nécessiteux. Et ils s'identifient comme tel. Le nombre de fois où j'ai entendu l'excuse fataliste "nous on est pauvre alors on peut pas...". Pauvre de quoi? En quoi ça empêche de faire, dire, accomplir, entreprendre...
En arrivant à cette conclusion, je me suis inventé une définition du pauvre. C'est celui qui, lorsqu'il donne, même peu, donne tout. C'est le cas de la famille de Gaddar. En me donnant le lit, je soupçonne qu'ils n'en avaient plus pour eux. Quand ils me donnaient à manger, ils sacrifiaient un peu de leur propre part.
Moi, lorsqu'en partant, j'ai caché quelques taka dans une enveloppe pour soutenir l'achat du passeport de Sadikol, j'ai donné sans aucun doute beaucoup plus d'argent que tout ce qu'ils ont dépensé pour moi, et pourtant, ça ne me manquera pas. Je suis riche!

DSCN4044Après une bonne douche, je vais rendre visite à mes copains de l'ambassade : "Revenez demain SVP". C'était le mercredi 28 mai.
Je passe la journée à Maer Achol, "le pli du sari" [de maman], un centre d'accueil d'enfants des rues dans le nord de Dhaka. Ce refuge est soutenu par une association française. Le centre prend en charge complètement 67 ex enfants des rues en leur offrant logement, nouriture, education et santé et, l'association assure aussi l'éducation et la santé de 167 enfants du bidonville d'à côté. Je passe une très belle journée avec tous ces enfants souriants, joueurs et pas timide du tout. Bien évidemment, je leur offre ma présentation et leur propose de participer au relais de dessins, ce que certains acceptent avec joie et dessinent alors avec talent.
Comme le lendemain, veille de week end, mes "copains" de l'ambassade me font encore défaut, je décide de repartir pour quelques jours en dehors de Dhaka.

DSCN4165J'arrive en bus à Natore, dans l'ouest du Bangladesh, en tout début d'après midi. Les Rajbaris, nom donné aux anciens palais locaux, sont un peu loin de l'arrêt de bus. Cela me donne le loisir de marcher et explorer la petite ville. Je longe de grands bassins, en fait le tour, avant de comprendre qu'il s'agit en fait des douves. Deux jeunes m'abordent pour me poser des questions avant de m'inviter à les suivre pour découvrir l'ensemble des Rajbaris. A l'intérieur, un troisème gars se joint à nous. Il s'appelle Irman. Fier d'être socialiste, il est étudiant à Dhaka, et s'intéresse beaucoup à l'Histoire et la culture. Il tient absolument à tout me montrer et m'expliquer, d'abord les Rajbaris mais aussi tous les temples de la ville. Nous assistons à une cérémonie hindou avant d'aller chez lui. Dans l'après midi, il m'a d'abord invité pour le diner, puis à dormir, puis à rester trois nuits chez lui, le temps de visiter, avec lui, les deux autres cités voisines. Musulman, il est ouvert à toutes les religions. Nous retournons nottament au temple de Shiva des Rajbaris pour rencontrer le brahman du temple. C'est donc la première fois que je passe du temps avec les ascètes d'un temple hindou. Ils fument un peu de cannabis pendant leur discussion.
La femme d'Irman nous prépare un très bon repas. Ici, la maison est en dur, la douche à l'abri des regards, et la vieille TV est présente, tellement vieille qu'elle rend l'âme le soir où j'arrive.

DSCN4109Le lendemain, nous allons visiter Puthia. nous visitons une première fois le temple de Shiva, le Rajbari, et d'autres batiments d'un autre temps. Le temple adjacent le Rajbari est magnifique, tous ses murs sont intégralement sculptés.
Irman m'invite ensuite chez un ami, chez qui je suis supposé réparer la TV, comme je l'ai fait ce matin chez Irman. Sauf que je n'ai pas de pouvoir magique, la TV d'Irman, c'était le fusible seulement, dans ce cas ci, il y a un composent qui a fondu, je ne peux rien faire. Ils sont un peu déçus. L'ami souhaite nous montrer les alentours à moto. Sans casques, à trois, sur une grosse moto, sur des chemins [très] d'éfoncés et [très, très] boueux, j'étais mort de trouille.

DSCN4257Le troisième jour, nous visitons Rajshahi, ces vieux batiments, son bazar, mais pas le musée qui est fermé pendant les vacances. Nous dégustons le fameux Doy, une sorte de yaourt acide. C'est sans aucun doute ma confiserie indienne préférée (le reste étant souvent trop sucré). Je ne parle pas tellement de la cuisine du Bangladesh car il n'y a finalement pas grand chose de nouveau, rajouter les Kebabs à la cuisine indienne et vous y êtes presque. A noter toutefois que les Biryanis sont excellents à Dhaka et que j'ai mangé les meilleurs Ananas de toutes ma vie à Srinamgul.
Nous n'avons malheureusement pas le temps de se ballader sur les quais car il faut rentrer réserver mon billet pour le lendemain.

DSCN4146Je rentre à Dhaka le lundi 2 juin en milieu d'après midi. Ce soir là, et le suivant aussi, toujours pas de passeport... Comme mon visa bangladais arrive à son terme, je bouscule un peu la dame de la réception. Elle m'enjoint à appeler le lendemain à 10h30. Ouf, on peut espérer qu'il sera prêt. Que nenni, je suis convié pour une interview en début d'après-midi pendant laquelle, je dois défendre ma demande de visa... Finalement, le lendemain soir, j'obtiens bien un visa de 6 mois. Il m'offre même, au prix d'une deuxième page de mon passeport pour réctifier une erreur, un visa double entrée. Le perfectionnisme et les indiens ça fait deux.

Je pars immédiatement pour la frontière. Mon idée est d'arriver à Kolkata avant vendredi soir, pour que Pankaj et moi puissions profiter du week end pour aller visiter des cascades qui se situe un peu loin de la ville. Je dis au revoir à mes nouveaux amis, Vincent, Céline, Camille et Romane. C'est un au revoir sans tristesse car pour une fois, je suis sûr de les revoir un jour.

DSCN4252J'aurais pu prendre un bus bien confortable direct pour la frontière, et être sûr d'arriver tôt à Kolkata. Mais non, je fais mon maximum pour tenir mes promesse. Alors je voyage dans un bus sans espace pour les genoux, avec des suspensions en pierre, pour rejoindre Jhenidah. J'y arrive à 5h 30 du mat. Je réveille Biplob (voir article précédent). Surpris, il est très content de me voir et heureux que j'ai tenu ma promesse d'essayer de revenir les voir. J'explique qu'à cause du visa indien je n'ai pas pu venir plus tôt, et qu'il s'en est fallu de peu que je ne passe pas du tout.
J'instiste sur le fait qu'il est important que je reprenne un bus à 9h. "OK dit-il, je m'habille, on prend un bus pour chez mes parents à 40 km, je voudrais te présenter, et on revient. On sera de retour avant 10h"... no comment, ça commence déjà. Et là, j'ai fait une erreur : "Biplob, c'est ok pour aller voir tes parents, mais nous devons être de retour impérativement avant 10h, pour que je prenne le bus à 10h dernier carat". Il me le promet, nous partons.
DSCN4255Sauf que 40 km en bus, ça prend déjà une heure. Mais surtout, il n'a pas mentionné que ses parents habitent au fin fond de la campagne, pas au village. Après 6km de rickshaw, nous arrivons chez ses parents à 7h45. Il faudrait donc presque repartir tout de suite... Je suis fatigué par la nuit de bus, je suis pressé d'arriver à Kolkata et je suis stressé par l'idée de franchir la frontière que je sais être bondée dans ce sens (j'ai pris note à l'aller). Alors, avant d'arriver, j'explique à Biplob que je ne suis pas content de cette situation. J'ai fait un effort pour venir le voir, j'ai accepté de rester une heure de plus, et voila que je vais être encore plus en retard, sans pour autant pouvoir honorer convenablement mes hôtes, ses parents, en ne restant qu'une toute petite heure...
C'est penaud qu'après une heure d'entrevue avec toute la famille, amis de la famille et voisin, je suis obligé de m'excuser pour repartir. Ils étaient tous très curieux et gentils, ils m'ont offert de la mangue, et moi je n'ai qu'une petite heure à leur consacrer, je suis désolé.
J'arrive à attraper un bus à 10h30 pour Jessore puis, sans attente, un deuxième bus pour la frontière.

DSCN4258Le passage de frontière se passe mieux que prévu. Après déjeuner, payer la taxe de départ du pays (300 takas), et changer mes derniers takas en roupies indiennes, je bénéficie de mon statut d'étranger qui paye des visas de 100 et 60$. Je suis invité à passer devant tout le monde. J'arrive à la gare à 15h40, le prochain train est à 16h30.
Heureusement, je discute avec un jeune indien en attendant le train, et aussi pendant les 2h de trajet. Une fois en ville, je dois prendre encore un bus. J'arrive chez Panjab à 20h30. J'ai donc mis plus de 24h pour aller de Dhaka à Kolkata alors que le train met 14h... Dans le bus, après l'enfer de Dhaka, Kolkata me semble bien calme désormais.Il est trop tard pour partir voir les cascades, tant pis!

Et puis, les choses ont changé chez Pankaj. Il a subi quelques revers financiers. De vieux clients lui ont fait faux bond, et ils refusent de payer à son entreprise ce qu'ils lui doivent. Du coup, il a payé les derniers salaires de sa poche et l'avenir de son entreprise est d'un coup très incertaine. Il n'aurait pas pu venir aux cascades.
Je passe une semaine avec lui, à son bureau, à travailler sur cet article, à planifier la suite de mon voyage en Inde, mais surtout, à lui remonter le moral. DSCN4267Je l'aide à rebondir, à saisir cette opportunité pour faire quelques choses d'autres. Je l'aide à construire un plan qui lui permettrait de réaliser son rêve de devenir réalisateur de film d'auteur, et qui sait, peut être d'un jour tourner un film avec Juliette Binoche. Pour ça, on trouve un moyen de retourner la situation à son avantage en utilisant de l'aide involontaire de la part de ses anciens clients :-) Je le pousse à s'inscrire à l'alliance française pour apprendre le français. Il continuera en parallèle à regarder les films en français et à héberger des francophones. L'idée, c'est de s'inscrire à une université française pour la rentrée de septembre 2015 afin d'apprendre la cinématographie. Je le pousse aussi à se procurer une caméra pour faire ses premiers essais. Et on convient de se retrouver fin août pour voyager ensemble à moto en Himachal Pradesh (nors ouest de l'Inde).

Pour ma part, je prévois de me rendre d'abord à Hyderabad, une ville dont le nom me plait bien, et où j'ai eu l'honneur de recevoir 7 invitations de différents hôtes. Pour la première fois depuis que je suis sur CS, j'ai dû décliner des invitations. Voila un bon début pour démarrer ma troisième et derniere partie de voyage en Inde.

(avant le 5 aout) Si vous voulez m'écrire, merci de m'envoyer quelques mots par poste restante à la poste générale de Delhi à l'adresse suivante (n'oubliez pas de me prévenir par email pour que j'aille chercher votre courrier) :
NATHANAEL LEPRETTE
Poste Restante
General Post Office
Netaji Subhash Marg
Priyadarshini Colony
New Delhi, DL 110006
India

Si vous voulez recevoir une carte postale d'Inde, merci de me le faire savoir rapidement.

Commentaires   

+1 # firo 09-09-2014 17:27
Bravo pour le nouveau site. C'est écrit plus gros et j'apprécie
Bises
# Yogo 10-09-2014 09:24
@firo : merci, je suis plutôt content du résultat, alors si tu l'es aussi, c'est bingo!