J'arrive très tôt, chez mon nouvel ami, Omid, le dimanche 18 janvier 2015.
Mes parents viennent de recevoir l'équivalent du MFA iranien pour l'Arabie Saoudite. Je peux donc dès maintenant me rendre à Dubaï pour récupérer mon visa et les rejoindre. Avant ça, je souhaite tout de même visiter un peu plus l'Iran et puis mes parents vont rentrer en France pour les vacances de février. Je pense donc arriver juste après.
Le soir, Omid organise une rencontre CS dans un restaurant pas loin. L'ambiance est bonne. Chacun raconte un peu qui il est et pourquoi il a rejoint CS. J'y rencontre Alberto, un espagnol en voyage pour quelques jours en Iran. Je retrouve Sataar aussi, une vraie surprise. Nous nous étions rencontrés un an et demi plus tôt à Kuala-Lumpur. Nous étions tous deux hébergés chez Hui. Ii m'avait accompagné à l'ambassade du Myanmar avant que je lui fasse faire tout le tour de KL en marchant (il s'en souvient :-).
Autre surprise, Alberto et moi avons le même itinéraire pour les prochains jours, et le même premier hôte- CS à Kashan. Je l'invite donc à voyager avec moi en auto-stop plutôt que de prendre le bus.
Je laisse le fromage arménien dans le frigidaire d'Omid, à qui j'en donne un peu.
Alberto me rejoint le lendemain à 11h à la dernière station de métro au sud de Téhéran, à côté de la tombe de Khomeiny. Nous marchons jusqu'au péage pour y démarrer l'auto-stop.
Une première voiture nous emmène jusqu'à Qom puis un camion jusqu'à Kashan. Le camionneur quitte même l'autoroute pour nous déposer à un rond-point qui sert de rendez-vous avec Mohsen, notre jeune hôte CS. Mohsen a tout juste 19 ans. Il est élève ingénieur à l'université et apprend l'anglais avec des cours privés pendant les grandes vacances. Il a hébergé un ami de son prof d'anglais, un chinois. C'est lui qui lui a fait découvrir CS.
Il est très gentil, accueillant, anxieux de bien faire... trop gentil :-)
Il nous emmène d'abord chez lui pour poser nos affaires et boire le thé. Puis, il nous emmène en ville pour découvrir deux vieilles maisons traditionnelles. Il refuse de nous laisser payer nos entrées : "Today you are my guest!".
Les maisons sont immenses, avec d'innombrables pièces qui se succèdent en cascade. Il y a un système d'aération et d'hydraulique très ingénieux. La maison est construite en briques de terre crue et torchis. Les cours sont nombreuses aussi avec de grands bassins.
Mohsen nous propose d'aller visiter son village, à quelques kms de Kashan. Nous déposons d'abord ses parents à la maison familiale avant de récupérer son cousin pour partir à Niasar. C'est un joli village qui abrite une magnifique cascade. Au dessus de la cascade il y a des jardins depuis lesquels on peut profiter d'une vue sur la plaine.
Mohsen nous présente ensuite un "frigo" ancestral. C'est un grand silo vide, à moitié enterré dont le dôme en terre crue et torchis est très épais. La glace des eaux d'automne se formait en hiver et se conservait jusqu'en été. Nous déjeunons à la maison familiale.
Le matin de notre jour de départ, Mohsen tient à nous faire visiter les jardins Fin. Ce sont en effet de très beaux jardins avec quelques bâtiments aux plafonds magnifiques.
Il nous dépose ensuite au bord de l'autoroute, non sans avoir besoin de faire un grand détour. Au moment de nous quitter, je glisse de force quelques billets dans son portefeuille pour rembourser les entrées.
Nous n'avons pas le temps de nous "installer" qu'une voiture s'arrête. Matin et Pouyam rentrent chez eux à Persépolis. Ils croient en dieu mais ne sont pas musulmans. Ils aiment la religion qu'il y avait en perse, avant l'Islam, du temps de Persépolis justement (je note dans mon carnet : zoroastriens ?).
A l'embranchement qui mène à Abyane, ils se garent et nous demandent si nous connaissons la ville. "Non" !. Eux ne l'ont jamais visitée non plus. Ils nous offrent ce détour pour aller explorer cette très vieille ville bâtie au pied de la montagne, toujours en briques de terre crue et torchis. C'est joli, mais sans plus. Un gentil chien nous accompagne pendant notre balade dans les rues du village mais il se fait attaquer et méchament blesser par un autre. Ne sachant pas viser, mes tentatives de séparation par jet de pierres sont un échec. L'unique restaurant du village est trop cher, alors même s'il est déjà 15h, nos estomacs attendront Isfahan. Nos conducteurs font le détour par le centre-ville pour nous offrir un déjeu-diner à 18h avant de nous emmener jusqu'à notre point de rendez-vous avec Arman, notre hôte CS. Ils refusent même de nous laisser patienter dans le froid et attendent Arman avec nous 20 min.
Le courant ne passe trop avec Arman. Ces autres invités, deux allemands de 19 et 21 ans, ne cherchent pas le contact non plus. Alberto et moi partons donc visiter la ville sans eux. Nous traversons le pont Si-o-Seh par en dessous en sautant de plot en plot, qui séparent les pieds d'arches. Deux plots sont manquants alors nous traversons les pieds dans l'eau. Quand nous arrivons à la place principale, "La place de l'Imam", nous en faisons le tour avant de visiter la mosquée de l'Imam. C'est une très belle mosquée, tout en céramique bleue. Sans doute la plus belle que j'ai visitée, à ce jour. Nous rencontrons un jeune gars, qui connait CS et aime discuter avec les touristes. Il nous invite à faire un tour dans le bazar et nous montre les différents produits artisanaux du coin, des assiettes de cuivre peintes (cuites à 800°C), des maquettes de bois et os de chameaux, des tapis...
Il nous indique aussi où manger des spécialités d'Isfahan dont "le Bariané", du riz et de la viande mixés en une pâte qui se mange avec du pain.Nous marchons un peu à l'extérieur de la place avant d'y revenir. Nous rencontrons alors d'autre jeunes (très jeunes, des adolescents) qui ne parlent pas bien l'anglais mais essayent de s'exprimer (ils n'ont pas peur d'oser, de faire des erreurs, c'est bien, ils apprendront vite !). Quand le muezzin chante, Alberto pense à leur demander comment se passe la prière. Ils sont fiers de pouvoir nous enseigner quelque chose et nous emmènent à la mosquée de l'Imam. Il faut se laver les mains, les avant-bras, se toucher la tête et le dessus des pieds avec de l'eau. Puis, une fois à l'intérieur de la mosquée, le jeune essaie d'écrire la prière en alphabet latin pour que nous puissions chanter avec lui (ben voyons, sans comprendre ? avec la foi ?). Il faut chanter puis se prosterner en allant toucher avec son front un petit galet de terre crue que l'on a posé préalablement au sol. Cette terre vient d'Iraq, de là où l'Imam Hossein (le premier Imam des 10 Imams important pour les musulmans chiites, celui qu'ils considèrent comme le successeur de Mahomed) s'est fait tuer. Nous sommes ensuite invités dans la salle de prière, à partager le thé.
A la sortie de la mosquée, nous rencontrons un couple, Mohsen et Marjan, amis d'une amie d'Alberto. Ils nous invitent chez eux (nous passons chez Arman chercher nos affaires) où des amis à eux nous attendent pour une soirée de folie. Le dîner est excellent. Mohsen joue d'un instrument traditionnel (genre guitare) et un ami, du tabla (une percussion). Ils nous enseignent des danses traditionnelles et nous nous couchons très tard.
Pour le petit déjeuner, ils nous offrent de l'"Aleem" (farine de blé et viande cuite ensemble, j'avais déjà gouté ça à Hyderabad en Inde) que l'on mélange avec des légumes verts (genre épinards) cuits avec de la viande et des haricots (j'adore ce second plat). Il y a aussi une crème de viande avec du safran, très sucré, très étrange...
Mohsen et Marjan tiennent à nous faire découvrir certains lieux de leur ville. Mais avant, nous passons réupérer Zara, une CSeuse qui habite dans le nord du pays mais qui voulait rejoindre Alberto pour voyager avec lui. Elle est très sympa. Elle est prof de français pour les tout-petits, elle écrit des scripts pour dessins animés et elle anime un groupe d'éducation à l'environnement.
Nous visitons le mosquée Janeh, la plus ancienne mosquée du coin, plus de 800 ans d'histoire. Zoroastriens, juifs, chrétiens, perses, mohgols, (mongols j'ai entendu aussi mais je ne suis pas sûr), tout le monde est passé par là. Elle est entièrement décorée en mosaïque de céramique (pas des carreaux comme hier). Le résultat d'un tel travail acharné est impressionnant.Nous visitons ensuite le palais Chehel Satun. C'était le palais qui servait à accueillir les dignitaires étrangers. Le jardin est grand, l'entrée est imposante, avec de grandes colonnes d'apparence bois. A l'intérieur, la grande salle offre d'immenses fresques qui montrent des scènes de bataille et de réception diplomatique (on aperçoit un roi d'Indes). Etonnamment, la censure ne s'applique pas à l'art, on voit aisément une scène d'homosexualité (ce qui n'était pas extraordinaire à l'époque, comme quoi l'Islam a évolué).
Nous retournons à la place de l'Imam pour visiter cette fois la mosquée des femmes, Sheikh Lotfillah. Elle n'a pas de minaret, pas de cour intérieure, il n'y a en fait qu'une seule pièce avec un immense dôme. La pièce est entièrement en mosaïque de céramique bleue. C'est extraordinaire ! C'est la plus belle mosquée que j'ai visitée ! Mohsen et Marjaan veulent faire découvrir à Alberto l'"Abgoucht". Il n'était pas aussi bon que celui de la mère de Bahador.Je quitte mes amis pour quelques heures pour aller rencontrer la famille d'Ali. Ali est un CSer qui devait héberger mes parents et moi au mois de Novembre dernier. J'avais dû annuler au dernier moment. Ils souhaitent émigrer au Québec. Ils parlent un français impeccable, avec un accent certes, mais très propre.
Je ne reste pas car je dois retourner à Téhéran pour aider Bahador à obtenir son visa pour la France.
Le retour à Téhéran se passe bien. Je vais chez Satar, cette fois. Il me parle de ses projets de fiançailles avec une indonésienne qu'il connait depuis longtemps. Avant, il travaillait en Indonésie pour l'ambassade d'Iran. Il travaille désormais pour l'ambassade d'Indonésie à Téhéran.
Mon aide à Bahador s'est limité à faire les photocopies nécessaires et à ranger le dossier dans l'ordre. L'ambassade française ne m'a pas laissé entrer avec eux.
Je récupère mon fromage chez Omid.
Je repars très vite pour Kerman.
Depuis le péage, à côté de la tombe de Khomeiny, un jeune gars me paye le taxi pour Qom. Il est étudiant en Allemagne mais a étudié le dernier semestre à Lyon.
De Qom, un gars en camionnette de chantier me prend pour aller à Yazd. Le véhicule est plein, je garde mon sac sur les genoux pendant tout le trajet jusqu'à Meybod (5h de route). Il m'offre le déjeuner. Nous nous arrêtons chez son ami, un riche propriétaire. Ce dernier a deux fils de 12 et 14 ans. Le plus agé, Hamid, parle pas mal l'anglais est sert de traducteur, pour ce soir. Nous jouons au ping-pong. Ils nous invitent à dîiner. Yazd et sa région sont connus, avec Qom, comme les lieux les plus conservateurs d'lran. Pour la première et dernière fois de mon séjour en Iran, je ne verrais pas la mère (juste une ombre noire dans l'embrasure de la porte de la cuisine). Elle ne mange pas avec nous, elle s'active dans la cuisine, les enfants faisant l'aller-retour pour apporter les plats.
Malgré notre traducteur plutôt performant et quelques coups de fil passés à Mohammad, mon hôte à Kerman, j'ai beaucoup de mal à leur expliquer que je veux me rendre à Yazd et y prendre un bus pour Kerman.
Mon conducteur m'emmène à Yazd. Il me montre le chantier de son futur immeuble. Nous réveillons ses travailleurs, des afghans. Lui qui n'a cessé pendant tout le trajet de médire des afghans (sales, fainéants, prennent le travail des iraniens etc...) me dit : "Oh lui c'est un bon afghan!". J'ai cru entendre résonner en écho dans ma tête la phrase mythique des français qui médisent de tous les Mohamed de la terre : "Je te présente Mohamed, mais lui c'est mon copain, c'est un bon gars...". Je me suis étranglé de rire !
Il m'envoie finalement à Kerman dans un bus.
Pour voir plus de photos, cliquez sur Kashan, Isfahan.
muezzin
Commentaires
Au fait c'est ça, c'est bien le zoroastrianisme qui était la grande religion de Perse, bien avant que l'islam ne s'impose et cherche à détruire toute trace des anciennes croyances.
Et puis j'en profite pour te remercie, fidèle lecteur
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