Où est la Chine? En effet, je suis en droit de me poser la question, moi qui attendais ce pays avec un mélange d'impatience, d'appréhension et de curiosité, je me suis senti étrangement comme à la maison dans le Xinjiang. Après plus de deux mois passé en Asie Centrale, le Xinjiang ne diffère pas tellement lorsqu'on s'immerge vraiment.
Bien sûr, si on l'aborde en tant que touriste, et si on se limite aux apparences, et (surtout) à ce que la Chine tient à en montrer, on peut passer à côté des similitudes. Mais si on voyage un peu hors des sentiers balisés, ce sont les différences qu'on finit par oublier. Même hospitalité, même cuisine (Lagman, beish parmak, shashlik, mantis...), "même langue" (sauf avec les Hans, je peux encore compter en turc :-).
Pour bien comprendre ce que j'essaie de dire, il faut se rappeler que le Xinjiang est peuplé d'Ouïghours, de Hans, de Kazakhs et de Mongols. A l'avenir, je ne parlerai plus de "Chinois", car cela a encore moins de signification que si j'aasimilais Français ou Polonais à Européens en oubliant Français ou Polonais. Ceux que l'on a l'habitude d'appeler Chinois, je les appelerai Han.
Une fois sorti du poste frontière, ce sont les différences qui vous agressent. On se sent complètement perdu.
Ca crie! Le mandarin ne semble pas se parler... je pense qu'ils font tous un concours à celui qui criera le plus fort :-)
Ca crache! Comme le dit Silvain Tesson ou Alexandre Poussin dans "On a marché dans le ciel", on dirait que dans ces régions du monde (je ne fais qu'y pénétrer), les gens semblent ne pas aimer le goût de leur propre salive.
Et puis, c'est écrit avec les idéogrammes du mandarin.
Je n'ai jamais parlé de l'alphabet cyrillique. Certes, c'est différent de notre alphabet latin mais il suffit d'apprendre les nouvelles lettres et vous pouvez lire, parfois même comprendre. Avec les idéogrammes, rien à faire! Par exemple, essayer de lire ce qu'il y a écrit sur la photo. Indices, en cyrillique, Г= G, З=Z, И=I et enfin Н=N. Alors, facile le cyrillique! non? Pour le mandarin, je ne peux pas vous aider.
J'ai bien l'intention de me rendre à Urumqi en stop. Il faut que je sorte de la ville dans la bonne direction. Une dame m'invite à la suivre dans un bus (1 CNY, 1 € = 7,5 CNY, les transports ne sont pas encore très chers en Chine même si c'est en continuelle progression). Elle m'emmène à la station de bus... Heureusement là-bas, j'arrive à me faire expliquer le chemin pour sortir de la ville.Là encore, on observe une différence, les infrastructures ne sont pas les mêmes. Alors qu'entre les deux plus grandes villes du Kazakhstan, la route (normale) n'est pas partout en parfait état, en Chine, pour relier la frontière au reste du pays, ils ont une 2 fois deux voies... Je me rendrais compte que c'est presque la norme bien que ce ne soit pas toujours justifié. Et le contraste avec certains véhicules qui parcourt les routes est étonnant. On voit de tout, 3 personnes sur une moto ou un vélo, des trycicles bondés, c'est très amusant.
Je ne me souviens plus très bien mais je ne crois pas avoir attendu longtemps avant d'être pris. Le premier fut un Han il me semble. Avec eux, la conversation est très vite limitée, presque exclusivement à mon doc magique. Même le language des signes ne semble plus le même... Plus tard dans l'après midi, je suis pris en stop par un couple de Kazakhs, Nikemaiti et Bahetiuli. Ils vont à Urumqi, enfin c'est ce qu'ils me disent, mais ils font un détour par Ili. Je ne situe pas bien sur une carte mais ils me disent que c'est "good for picture".
Je suis invité! D'abord à manger. Puis, le détour étant vraiment important, on campe. Le lendemain, on est retardé par un éboulement sur la route de montagne, 6h (les routes de montagne étaient effectivement magnifique). Enfin, je reste une première fois chez eux, à Sawan (180km d'Urumqi), pendant deux jours. Ils me présentent à toute la famille, parents, et frères et soeurs. Ca faisait longtemps que je n'avais été en famille.
Ils ne veulent pas me laisser partir en stop. D'abord Nikemaiti me fait croire qu'il ira le lendemain à Urumqi, puis ils insistent pour que je prenne le bus, puis le train. Ils veulent même payer pour moi. Mais non, je suis bien allé à Urumqi en stop. Et ça c'est très bien passé. Deux voitures, et un Han sur la deuxième partie, la plus longue.
A Urumqi, je galère un peu au début. Mon contact CouchSurfing, Kimberly (américaine), ne peut finalement pas m'héberger le premier jour. Je rencontres Matthias, un allemand qui a étudié en Chine pendant un an et profite de ses deux derniers mois de visa pour voyager. On aura une passionante conversation sur l'idée d'être végétalien, ce qu'il est. Cette nuit là, j'improvise un squat dans un immeuble, dans le sas entre un couloir et des toilettes partagées, les plus propres toilettes que j'ai vu dans tout le Xinjiang. Les toilettes, c'est un vrai problème. Non pas que ce soit " à la turque", non pas que ce soit collectif, non pas que ce soit sans évacuation, tout ça j'ai déjà vu. Mais qu'il n'y ait pas d'eau à proximité, et je ne parle pas de savon, pour se laver les mains... c'est très désagréable. J'ai un frisson chaque fois que je sers la main de quelqu'un :-)
Quand je suis hébergé chez Kimberly, Il y a beaucoup de monde, 4 Américains, Naoki, un Japonais, et surtout, j'y rencontre Marco (Italien) et sa copine Kit (Han de Malaisie). On sympathise bien. On visite la ville et le Musée de la Région Autonome du Xinjiang.
Les villes, et Urumqi en est un bel exemple, sont très aérées, il y a beaucoup d'espace, comme en Asie centrale, mais il y a beaucoup plus (trop) de monde. Il y a de très beaux parcs. Et on peut voir, les Hans faire des activités ensemble en plein air, jeux de société et billard le jour, gym et danse de salon le soir par exemple. Le musée, quoique très propagandiste, est passionant. Histoire, momies, et beaux habits au programme.
Marco et Kit sont sceptiques quant à l'autostop en Chine, mais ont bien envie d'essayer avec moi. On décide de faire une peite virée ensemble. Turpan, Korla puis on se séparera ; ils continueront vers le sud, le Kirghizstan, quant moi je remonterai vers le nord, la Mongolie.
Je leur explique où se placer, comment expliquer où on veut aller et comment feindre de ne pas comprendre la question de l'argent... Ils sont bluffés. D'abord, la question de l'argent est finalement très rare, seuls certains Hans refusent de nous prendre sans argent, le reste du temps, si certains sont déçus de ne pas y gagner sur ce coup, ils nous prennent avec bon coeur. Ensuite, l'attente n'est jamais bien longue et on va plus vite qu'en bus. Enfin, ils adorent être pris dans les camions!
Sur le trajet, nous croisons un grand parc d'éoliennes. C'est le premier pays depuis le début où je peux voir des investissements dans les énergies renouvelables, solaire et éolien.
A Turpan, il faut qu'on s'enregistre auprès de la police avant d'avoir accès aux hôtels pas cher. Ceux qui peuvent enregistrer les étrangers coûtent extrèmement chers (3x plus). Pour 12€, on a une chambre pour trois avec salle de bain privative, télé et clim. Et je peux vous dire que dans la ville la plus chaude de Chine (et plus chaude d'Asie Centrale), la clim est un luxe qu'on apprécie. Difficile de sortir du lit le matin d'ailleurs.
On visite les ruines de l'ancienne cité de Jiaohe. C'est beau, mais qu'est-ce qu'il fait chaud.
Le soir, nous arrivons à Korla et nous faisons l'erreur d'entrér en ville. On trouve malgré tout un endroit ou dormir, soit disant en bordure de la bonne route. Le lendemain, il nous faut plus de deux heures de marche avant d'être en poste pour l'autostop.
Et à 18h nos chemins se séparent. Ils restent avec notre dernier camion qui peut les emmener jusqu'à la frontière. Je pars vers le nord.
J'ai dans l'idée qu'ils vont continuer à s'essayer à l'autostop à l'avenir.
Un peu de marche puis une première voiture, des Ouygours qui m'offrent de gigantesques nans (pains) puis une deuxième. Comme depuis le début, je passe entre les gouttes. Quand je monte dans la voiture de ces deux amis Hans qui vont à Bayanbulak, au coeur des montagnes à (250km), il se met à pleuvoir. Ils m'invitent à manger et à dormir dans la yourte. Ils arrosent de vodka.
Que je déteste cette boisson (c'est un mystère pour moi qu'on puisse l'apprécier). Et je la maudis aussi. A cause d'elle, j'ai perdu mon collier quelque part dans la nuit autour de la yourte.
A chaque fois que j'ai eu à boire de l'alcool (autre que de la bière) depuis le départ, c'est mauvais signe pour quelque chose! Je vais essayer d'être intransigeant à l'avenir. Il faut que je m'exerce avant la Mongolie où l'alcool est un vrai fléau.
Bayanbulak est un lieu magnifique au milieu des montagnes. Le matin, il y fait frais, à peine 10 degré, un vrai choc quand on vient de Turpan.
Ma route monte vers le nord, vers Keytun, Karamay et Altay puis enfin vers l'est, vers la frontière, Takeshikenzhen. Sauf qu'à 50 km à l'est de Keytun, il y a Shawan.
Je n'ai plus aucun impératif en Mongolie, car plus personne ne vient la traverser avec moi, je m'autorise donc un petit détour pour revoir mes amis. Je suis accueilli par Bahetiuli. On fait la surprise à Nikemaiti et à Dalil, le frère de Bahetiuli. Je me souviendrai longtemps de leur étonnement. Que je suis content de les revoir.
Ils m'emmènent pour quelques jours à Uluzhan, une sorte de réserve kazakh dans les montagnes. Yourtes, moutons, chevaux et herbes vetes composent le tableau.
Nous sommes venu rejoindre des amis. Programme des jours suivant : manger et boire! Les repas sont gargantuesques, à la kazakh ou kirghiz, beish parmak, beignets, beurre, nans, soupes accompagnés bien évidement de thé ou de kumiz. J'ai même le privilège d'assister à la préparation du mouton, depuis le début. Ca commence lorsque les hôtes présentent le mouton vivant dans la yourte. L'ancien fait une prière avant que le mouton ne ressorte. Malheureusement, je n'arrive pas à assister à l'éxécution (je n'ai pas eu le temps de m'eclipser) mais je m'oblige à observer le dépeçage (âme sensible attention aux photos du dossier Shawan).
Quand je dis NIET à la vodka, je passe pour un extraterrestre et mes compagnons semblent vraiment offensés. Sous la pression, j'ai du trinquer deux fois, avec les deux hôtes, mais pour ce résultats, je vous dit pas le nombre de NON et la commédie que j'ai du faire (mine triste, malade, en colère...).
Le jour du départ, je n'arrive pas à partir tôt le matin, comme prévu. J'accepte de rester jusqu'au déjeuner, ils n'ont pas eu à insister beaucoup :-) Et c'est avec tristesse que je reprends la route.
Pas pour bien longtemps. Le stop est plein de surprise. Je suis invité sur la route pour une pause pastèque. Toute la famille, en plein travaux, se change pour la séance photo.
Je suis déposé à un péage. Je fais du stop assis sur une chaise, le garde barrière demandant pour moi.
Enfin, un Kazakh me fait faire 270km pour m'emmener chez lui. A 23h, sa mère, sa femme et sa fille sont debouts pour l'accueillir et manger avec nous. Le lendemain, sa fille et son neveu participent au relais de dessins. Et lui m'emmène 200km plus loin, faisant le taxi sur la route. Je ne réussirais pas à savoir s' il a fait le trajet pour moi ou s' il allait vraiment là-bas. Dans le doute, j'ai l'impression que les gens qui montent payent pour moi, et ça me gène. Je rencontre un jeune Kazakh, DalKHan, 15 ans, qui se débrouille très bien en anglais. Sa mère l'emmène justement à l'école de langue. Il n'a pas son mot à dire. Il doit étudier le kazakh, le mandarin et l'anglais. Il n'aime pas ça mais il sait qu'il ne choisira ni ses études et par conséquent ni son travail.
Je fais un aller retour à Altay car il n'y a qu'une seule route qui y mène, puis je pars à 21h pour Sarbulak. Erreur! Il semblerait que cette ville ne soit pas le long de la route comme indiqué sur ma carte mais à 15km à l'écart. Ne pouvant demander à mes conducteurs de faire le détour pour moi, je leur demande de me laisser plutôt à l'embranchement avec Fuyun.
Ainsi, à 23h, je suis dehors, sur le bord de la route. Heureusement, je distingue un abri pour des travailleurs et surtout les étoiles sont là! Je m'installe à la belle. Le vent est frais, je me glisse dans mon sac de couchage pour la première fois depuis longtemps. Mais au milieu de la nuit, je me réveille. Quelque chose a changé Le vent n'est plus là, le monde des ténèbres est plus calme, trop calme et trop ténébreux. Où sont passées les étoiles? Je plie bagages et je me dirige vers l'abri sans demander mon reste. J'y réveille un travailleur quil m'accueille. Et ca tombe! Le vent revient avec force, accompagné de la pluie. J'ai eu chaud! Le vent engoufre du sable dans l'abri. Le matin, mon duvet est gris et mon sac blanc. Je remercie le Kazakh qui a déjà commencé à travailler à 9h (heure de Beijing, 7h en local) et je repars.
J'arrive à 14h, à Takeshikenzhen, la ville frontière, dans le camion du Kazakh Kemex. Je fais sensation affublé du nouveau chapeau que j'ai reçu du passager de la précédente voiture.
Kemex tient à m'accompagner partout, d'abord à l'hôtel (trop cher et puis j'ai dans l'idée de traverser la frontière le jour même), puis à la police (il parait que je dois m'enregistrer ici avant de passer la frontière). Les policiers sont super sympas (séance photos) et parlent un peu l'anglais. Ils nous indiquent où je peux dormir pour 20 CNY (2,5€) et où il y a internet.
OK, je reste, je vais écrire cet article pour le publier avant la Mongolie, et je vais me reposer avant d'affronter ce nouveau pays.
Je crains de ne pas être préparé pour la Mongolie, pays sans infrastructure, où tout est loin des routes balisées, où il n'y a personne au mètre carré (la Mongolie est le pays qui a la plus faible densité de population au monde). Si en Chine, il faut payer pour le moindre paysage, c'est que la Chine est très capitaliste. En revanche, en Mongolie c'est le manque d'infrastrcture, la taille du pays et la faible densité de population qui oblige l'étranger à devoir payer pour la découvrir, sauf à la faire en totale autonomie, en vélo ou à cheval avec tente et si possible pas tout seul.
Je crains que le stop et le voyage sans tente risque d'être une épreuve dans ce pays, là où ça n'est jamais un problème ailleurs.
Kemex m'invite pour le déjeuner.
Quand on va au point internet, je ne peux utiliser mon propre ordi, encore une connexion avec identification par logiciel privateur... maudit soit tout ce qui entrave la liberté d'internet! M'enfin! l'article est prêt, les photos sont sélectionnées, plus qu'à trouver une connexion pour vous faire partager mes aventures. Espérons que ce soit avant Oulaan Bator, c'est tout.
Les environs, et notamment la route pour arriver ici ne me laisse pas du tout présager que je vais bientôt être au pays des steppes et des nomades. Pourtant, demain, vendredi 10 aout, je rentre en Mongolie, normalement. Sinon, c'est qu'il y aura eu un gros problème et ce ne sera pas avant lundi. La frontière ferme le w.e.
[Edit] Après quelques jour hébergé par un couple de professeur à Bulgan, je suis à Hovd, en Mongolie.
Commentaires
Mon tour du monde commence à ressembler à quelque chose, si tout va bien le départ est l'année prochaine.
@Julien : Ca m'a fait bizarre de rester en Asie Centrale alors que j'étais censé découvrir la mystérieuse Chine... M'enfin, comme ça il n'y a pas eu de rupture jusqu'en Mongolie. Et puis maintenant, c'est pour bientôt. J'ai un peu peur de douiller question transport en Chine, en effet. Et même pour tout d'ailleurs. J'ai l'impression, à entendre les voyageurs qui y sont allé récemment, que tout à encore empirer depuis vos récits, il faut vraiment payer pour le moindre truc. Tu me croiras ou pas, je n'ai bu qu'une goutte de vodka (maison, pour essayer :-).
@nathalie :
@Jean : Si au moins ils buvaient du rhum... ça résoudrait pas le problème de l'alcool mais au moins celui du goût
Je n'ai qu'une chose à rajouter : repars ^^ Mais me dit pas au Japon...
www.youtube.com/.../
je ne m'en lasse pas!!!
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