A Bangkok, je dois faire vite, Philippe n'aime pas les grandes villes et il voudrait retrouver sa belle au plus tôt, désormais.
Pour autant, j'ai quelques renseignements à récupérer auprès des ambassades de l'Inde et du Myanmar. Elles se situent à l'opposé de là où je séjourne. Il me faut donc faire avec le réseau de transport en commun de Bangkok pendant trois jours.
Bangkok est une mégalopole qui hésite encore entre tradition, joyeux bordel désordonné et ultramordernisme aseptisé et bien rangé.
Ce bordel que d'ordinaire j'apprécie, m'est insupportable cette fois-ci. En effet, je n'ai pas de temps et pas d'argent or l'un des deux est nécessaire pour au choix, s'y mêler ou s'en extraire.

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DSCN9599C'est donc avec soulagement que nous arrivons à quitter l'agglomération de Bangkok le lundi 8 août à 11h30 après deux heures de circulation infernale. Direction le temple de Sam et Ho, nos deux amis moines que nous avions rencontrés à l'aller. Vous vous souvenez, Sam est le moine, ancien boxeur (boxe thaï), qui nous réveillait avec de la musique rock et nous avait montré le film sur un célèbre boxeur (pas thaï). On roule bien pendant deux jours, pour y arriver le plus tôt possible et avoir le temps de profiter de la plage. Comme on ne retrouve pas du premier coup et qu'il menace de pleuvoir, nous décidons de retourner au temple qui faisait face à la baie. Toujours aussi magnifique. Personne ne semble nous reconnaitre, on est un peu surpris, on pensait passer moins inaperçus ! Le lendemain, nous sommes déçus aussi car il s'avère que nos amis ont changé de temple, entre temps. On se donne quand même une journée pour se baigner et se reposer après l'enfer de la ville et nos deux grandes journées de route.

DSCN9605Désormais nous roulons beaucoup, des journées de plus de 200 kms parfois même 250. C'est très fatiguant mais du coup, on avance vite. On arrive bientôt dans l'extrême sud de la Thaïlande, dans les régions musulmanes, Pattani et Narathiwat. Ces régions sont marginalisées pour ne pas dire proscrites par le gouvernement depuis que quelques factions armées demandent l'autonomie, ces dernières années. Le conflit remonte à bien plus longtemps et prend sa source dans le(s) (re)découpage(s) de l'ex-pays de Siam (la Thaïlande) et l'ex-Melayu  (la Malaisie). Depuis 2004 des mouvements séparatistes sont à l'origine de vagues d'attentats. Le gouvernement thaïlandais a engagé en février 2013 des pourparlers avec les rebelles en proposant à ces provinces un statut de région administrative spéciale1 (dixit wikipedia). Les grands perdants, ce sont les habitants des lieux qui n'ont pas bénéficié du développement rapide de ces dernières années.
DSCN9631On passe une nuit à Yaring, un petit bled à l'est de Pattani, hébergés dans un rare temple boudhiste. On profite de la plage l'après midi et de l'accueil des thaïs boudhistes, le soir. Alors que j'avais réussi à convaincre Philippe de passer par là pour rejoindre l'est de la péninsule malaisienne (nous ne sommes en effet pas la cible du conflit), la présence démesurée de l'armée thaï et le discours unilatéral des boudhistes le font changer d'avis. On se presse donc pour partir, avec toutefois un dernier après midi plage et une dernière nuit dans un temple boudhiste, à Narathiwat.
J'apprends à fabriquer des fleurs en plastique, que les boudhistes disposent dans les temples pour les dons (argent), et une dernière fois, j'accompagne les moines le lendemain matin pour leur collecte de dons de nourriture.

DSCN9668Le lundi 15 juillet, nous restrouvons la Malaisie après une petite traversée en ferry. On déjeune à Kota Bharu après avoir renfloué nos portefeuilles de ringgits et avant de reprendre la route vers le sud. Nous dormons près de Kampung Kuala Besut, hébergés par une famille. Pas franchement bienvenus, nous dormons dans nos hamacs sous l'abri à voiture, sans douche, sans même s'être vu invités à aller aux toilettes. Heureusement que la fille a insisté en notre faveur, car le père aurait volontiers dit non en bloc !
Le lendemain, nous nous laissons tenter par trois jours sur l'ile de Perhentian, réputée pour la clarté de son eau et son fin sable blanc. Nous confions nos motos et nos sacs au gars qui nous vend les tickets du ferry et nous voila partis. Nous dormons dans nos hamacs sur le ponton de la plage. Le matin, je me lève avec le soleil et vais me baigner tant que le ciel ne brûle pas. Je mange maigre car tout est cher sur l'île où tout est prévu pour les touristes. Le dernier jour, on aurait bien voulu se joindre à une sortie en mer d'une journée pour faire du snorkeling mais la sortie fut annulée en raison du mauvais temps.

DSCN9694De retour sur la terre ferme, nous sommes invités à passer quelques jours dans la région de Kuala Terengganu par Andrew, un chercheur en mycologie, la science des champigons. Andrew héberge déjà Will, un backpacker étatsunien, qui va rester quelques mois ici pour l'aider dans ses recherches. Voila encore une utilité du CouchSurfing à laquelle je n'avais pas pensé, recherche de stagiaires, apprentis... Ils sont tous les deux très sympas. Andrew nous invite dans un très bon restaurant chinois, le premier soir. Nous le remercions le lendemain en cuisinant nos plats habituels, ratatouille et mousse au chocolat.,

DSCN9729Julie, toujours pleine de ressources et de surprises est à l'origine de notre rencontre avec Yati et Leslie qui nous invitent à passer quelques jours chez eux. Yati et Julie étudiaient ensemble à l'université.
Leslie, ingénieur civil et maîtrisant le droit, est conseiller auprès des banques d'investissement. Ils voyagent beaucoup, lui pour le travail, elle pour le plaisir. Ils sont charmants. Ils habitent un petit coin de paradis, petit c'est pour l'expression... Ils habitent un véritable hôtel de luxe, ce que Yati avait prévu d'en faire originellement. Isolé, un petit palace avec un grand terrain, une immense piscine et un accès direct à l'océan. Magique !
Yati est très hospitalière. Elle nous raconte qu'elle ramène ici tous les étrangers qu'elle rencontre lors de ses vols retours. Elle est fière de pouvoir leur faire découvrir cette  partie de la Malaisie. Autant vous dire que nous profitons grandement de la piscine et de la plage.

Nous sommes entrés en Malaisie en plein Ramadan. Cela signifie qu'alors que nous révions de retrouver, les "Rotis Pisangs" (un entre pain et crêpe, à la banane), les "Naans" (pain indien, à l'aïl, au fromage...), les "Nasi Lemak" (riz coco avec sauce chilli sucré et cacahuète) et autres, nous avons trouvé en journée, porte close dans la majorité des restaurants.
Quand il est temps pour nous de dire au revoir à Yati et Leslie, je décide de passer voir Ibou et Aba. En effet, le détour n'est pas bien grand pour me rendre à Durian Tipus. Philippe ne m'accompagne pas, il a trop hâte de revoir Julie. C'est ainsi que pour la première fois en cinq mois, à Karak, à seulement 150 kms de Kuala Lumpur, nous nous séparons volontairement.
Pas pour bien longtemps car je suis invité à rester chez Julie jusqu'au 10 août, date à laquelle arrivent le fils et la mère de Philippe,  pour quelques semaines de vacances.

DSCN9736Je m'arrête pour manger gratuitement... je suis le premier client blanc !
Je retrouve aisément la maison et je suis immédiatement invité à décharger mes affaires dans ma chambre, à me rafraîchir dans la salle de bain, bref, à faire comme chez moi.
DSCN9747Pendant les trois jours que je passe en leur compagnie, je respecte le jeûne du ramadan. C'est ainsi que je me suis retrouvé à table avec les autres garçons de la famille, les filles mangeant en cuisine, à 19h30 précise, à attendre quelques minutes devant nos assiettes que ce soit la bonne heure. Et surtout, c'est ainsi que je me suis levé à 4h30 pour manger vers 5h avant de retourner finir ma nuit... car après, il faut tenir 14h, sans manger et surtout sans boire.
Sincèrement, ne pas manger, ça ne me pose aucune difficulté, mais ne pas boire, c'est une autre histoire, surtout par cette chaleur et cette humidité qui vous font suer au moindre mouvement. Pour ceux qui me connaissent, vous savez que je suis toujours obligé de me forcer à boire, et bien ces soirs là, vers 19h, j'avais soif !
Je passe le plus clair de mon temps à faire du baby-sitting, on s'amuse bien, comme on peut, avec ce qu'on a, on rigole beaucoup.
Le premier soir, après le premier repas, et avant celui de 23h, j'ai été invité à jouer au foot par les enfants du quartier. Ils ont un petit terrain en dur, de la taille d'un terrain de foot en salle. Il s'agit donc plus de sprint que d'endurance. Cela n'a pas plu du tout à mes pieds... oui parce que comme ils jouent pieds nus, je n'allais pas jouer avec mes chaussures au risque de blesser un gamin. J'ai eu la plante des pieds en feu le jour suivant !

DSCN9765Le vendredi 26 juillet, je rejoins Kuala-Lumpur par une toute petite route à travers les collines, vraiment très chouette. Avant d'arriver, je passe prendre une photo chez Baloo, la boucle est bouclée.
Je retrouve Philippe chez Julie. Je suis le bienvenu. 
Je reste jusqu'au 10 août, tentant de vendre ma moto par internet. En attendant, j'aide à la cuisine, surtout pour les desserts. Mousse au chocolat et iles flottantes sont très appréciées par toute la famille chinoise. La fille de Julie et sa cousine étaient contentes d'avoir la recette, elles aiment cuisiner. Philippe, qui fut pizzaïolo dans sa vie, nous offre une soirée pizza, Mmmmh!
Je revois une dernière fois mon cher Baloo (mon coloc entre décembre et février à KL), mais je n'arrive pas à rencontrer Vincs qui a déménagé de Penang à KL dernièrement.
Je rencontre la mère et le fils de Philippe le jour de leur arrivée à KL. Ils étaient bien fatigués par leur long trajet en avion et un peu saisis par la chaleur moite tropicale.
La mère de Julie leur avait préparé un vrai buffet de bienvenue et par la même occasion, un buffet de départ pour moi. Julie m'a dit que sa mère était très inquiète, elle veut s'assurer que je mange bien une dernière fois, car elle n'est pas certaine que plus tard je sois nourri convenablement.
Merci !

Le lundi 11 août, je retourne chez Suhaimi à Ipoh, au campus universitaire. J'y vends ma moto à un étudiant pour 2600 MYR (rynggit).
Je rencontre régulièrement d'autres couchsurfers qui viennent rencontrer Suhaimi. Je suis chauffeur officiel de la 405 du campus, la voiture de Suhaimi.
Je courais tous les matins autour du campus mais apparemment il va falloir que je trouve un autre lieu car courrir en short n'est pas bien vu. Je vois aussi régulièrement que possible un groupe d'amis étudiants. Malheureusement ce dernier mois, ils avaient beaucoup de travail et devaient s'absenter hors campus très souvent.
Je suis professeur d'anglais dans une école coranique. Il s'agit de l'école où en février dernier, j'ai présenté mon exposé et proposé aux enfants de participer au relais de dessins. J'enseigne à des écoliers de 8 à 11 ans.
Chose amusante, je me trouve beaucoup plus strict que ce que je pensais pouvoir être. Comme j'enseigne uniquement l'oral, compréhension et habileté à parler, j'ai besoin que seul l'écolier interrogé parle. Je n'ai pas le droit d'être en short bien sûr, et j'ai même l'obligation de porter la chemise. Je suis bénévole, j'ai été clair la dessus dès le début mais on m'offre le déjeuner à la cantine et j'ai demandé si je pouvais avoir quelques leçons d'arabe. J'ai toujours voulu apprendre cette langue, après l'anglais et l'espagnol. J'ai donc deux demi-heures avec deux professeurs différents, l'un pour l'écrit, l'autre pour l'oral.

Nous sommes aujourd'hui le 8 septembre et je dois quitter la Malaisie le 5 octobre. Rien n'est complètement fixé pour la suite.
A long terme je vais en Inde, mais comment et quand restent sans réponse. Birmanie ? Bateau ? Retrouver mon frère en Indonésie ? (ça, c'est tout nouveau :-)

A bientôt, depuis quelque part,