Plongeons dans l'Histoire du Cambodge

Comme souvent, je suis chanceux avec la météo et nous arrivons à Phnom Penh le Mercredi 19 en milieu d'après-midi. Ainsi, nous avons du temps pour trouver une guesthouse pas cher où je pourrais rester en attendant Philippe. Julie vient le retrouver quelques jours pour son anniversaire. N'est-ce pas mignon?
Pendant qu'ils visitent la ville en amoureux, de mon côté, je vais me frotter à la triste Histoire moderne du Cambodge et modestement prendre part à son futur.

J'ai rendez-vous le même soir avec un très bon ami, Jean-Luc Nguyen. Je l'avais rencontré lors de la toute première rencontre de travail de Travel With A Mission mais je connais son travail depuis plus longtemps. Pour ceux qui n'ont pas lu mon premier article à son sujet, c'est par ici.
Ainsi donc, le revoila dans le coin. La dernière fois pour un Lipdup avec 300 enfants Cambodgiens dans les temples de Siem Reap, aujourd'hui, il finalise un clip avec les enfants d'un bidonville de Phnom Penh. En fait, il n'est jamais très loin, un jour à Paris, un autre à Las Vegas mais le reste du temps, il est en Asie du Sud Est.
Quand il me raconte ce qu'il vient juste de faire, je suis vert et je me maudis d'avoir négligé mes emails les jour précédents. Au diable Kampot et la mer, j'aurais adoré donner un coup de main à la création du clip de Gangnam Style avec pour acteurs, les enfants de Taramana. Cette association française propose, aux enfants du bidonville, un soutien scolaire en langue, des activités extra scolaire et apporte une aide alimentaire au famille via un don de riz mensuel.
Le tournage est fini. Il est en train de finaliser le montage. On partage aussi nos dernières histoires de voyages. Disons plutôt que je l'invite surtout à me raconter les siennes car je suis un peu fatigué de raconter, et puis il peut lire les miennes sur mon blog :-)
On se quitte quand Jocelyn Dordé, le fondateur et président de Taramana vient chercher Jean-Luc pour finir le travail ensemble.

Les jours suivants, j'enchaine la visite du très connu et terrible site "The killing field" et celui encore pire, si tant est qu'il soit possible de classifier ce genre d'horreur, de "la prison S 21". L'un comme l'autre ont été témoins des atrocités du passé, ils sont exhibés pour la Mémoire.
The killing field, dont la traduction littérale serait "le champ des assassinats", sont des champs qui existaient sous le régime des Khmers Rouges (1975-1979), où ont été massacré les opposants au régime dictatorial. Je vais vous épargner les détails car ce n'étaient pas des enfants de choeur. Cependant, j'invite tout le monde à faire face à l'Histoire, et donc à ceux qui sont sur place à vous y rendre. La visite est très bien guidée. Elle n'est pas difficile si vous supportez la vue de crânes humains disposés en une colonne.

En revanche, je conseille à toute âme sensible d'éviter à tous prix la visite de la prison S 21. Là, rien ne vous sera épargné.
Dans cette ancienne école, transformée en prison, l'éducation n'étant pas souhaitable pour les Khmers Rouges, ont été perpétré les pires monstruosités que le génie humain puisse concevoir... les cellules, aujourd'hui vides, sont pleines d'une ambiance nauséabonde qui opresse. Les rares outils qui jonchent le sol ça et là, et les nombreuses photos impriment dans votre tête, des flashs d'horreurs. Et quand bien même, il ne s'agit que d'une gallerie de portraits, c'est une inifinité de regards, appartenant aux deux sexes, de tous âges, qui vous fixent droit dans les yeux : "je suis passé par là, ne m'oubliez pas"! Ils sont innocents.
Ils n'étaient d'ailleurs pas encore tout a fait coupables pour les Khmers Rouges, car c'est dans cette prison qu'ils avouaient leurs crimes. Et pour éviter le problème de le revanche, si quelqu'un était soupçonné (le port de lunette par exemple faisait de vous un dangereux intelectuel), ou dénoncé, ce n'est pas seulement lui qui était conduit ici pour avouer un crime, mais toute sa famille, chacun avouant alors ses propres crimes... sous la torture. Mais quels crîmes?

Cette sombre période de l'Histoire moderne du Cambodge est terrifiante. Il s'agit d'un épisode de génocide assez unique car il n'y a qu'une seule population dans l'affaire. Il y a bien massacre avec préméditation. Cependant, la raison de la purification éthnique n'est ni "raciale", ni religieuse, mais idéologique. Le monde doit être simplifié, avec un retour forcé à la terre, au monde paysan, et une adoration pour une forme de simplicité d'esprit, voir de débilité, censé être la solution aux vices et mal-êtres qui sévissent en occident (europe, USA) et qui ont été importé ici (ou comment mal interpréter le Mythe du bon sauvage...). Ainsi, trois groupes sont distingués par l'Angkar (c'est le nom du régime dictatorial instauré par les Khmers Rouges), "le peuple de base" (le monde paysan d'avant), "le peuple nouveau" (les travailleurs qui peuplaient les villes qui n'avaient pas tout compris mais qui pourraient devenir de bons citoyens si ils travaillent bien dans les champs, pour l'Angkar), "le peuple ancien" (les opposants au régime, les intellectuels, les enseignants, les multilingues, les ex riches du capital, les moines...). Ce peuple ancien est tout aussi Khmer que les autres. De même, ils pratiquent presques tous la même religion, le boudhisme, mais cela, l'Angkar n'en a que faire puisque "la religion est l'opium du peuple" (ou comment une mauvaise interprétation amène à l'horreur). Car en effet, les Khmers Rouges se proclamaient communistes...

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je vous invite à lire les articles de wikipedia et pour ceux qui préfèreraient découvrire ça à travers des oeuvres culturelles, je vous invite à lire le roman de Loung Ung D'abord ils ont tué mon père, une cambodgienne de 5 ans au moment des faits qui raconte son histoire, et le film "La déchirure" qui relate l'histoire d'un journaliste américain et de son traducteur cambodgien au tout début du régime de l'Angkar.

Après avoir digéré tout ça, je me sens le besoin de parler avec les enfants, de toucher du doigt le futur du Cambodge. En effet, je ne vais pas seulement dans les écoles, à la rencontre des enfants, pour leur offrir mon histoire, leur raconter mes aventures, leur partager ma vision du monde, mais aussi parce que j'en ressors plus riche et plus confiant dans l'avenir.
Jean-Luc avait parlé de mon projet à Jocelyn. Cela lui a plut, et j'ai donc pu rencontrer les enfants de Taramana pendant une après-midi. J'ai fait ma présentation en français cette fois, traduit par le professeur. Le relais de dessins a encore une fois de plus emporté un grand succès. Je suis resté toute l'aprèm jusqu'en début de soirée pour assister à un atelier théatre. Ils s'entrainaient à jouer du Élie Kakou, et je me suis bien marré, d'autant qu'ils ont du mal à garder leur sérieux longtemps. Jocelyn m'a ensuite invité à diner chez lui. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai mangé des pâtes (pas des noodles, des vraies pâtes). J'ai aussi pu manger des plats cambodgiens fait maison car il partage la maison avec une famille.

Le 26 juin, nous partons pour Siem Reap. En chemin, nous dégustons des araignées frites... Mmmmh, délicieux... :-) Comme dit Philippe, quand c'est frit, tout passe.
Le lendemain, nous avons rendez-vous avec Eric. Ce Philippin, enseignant d'anglais, nous héberge le temps dont nous avons besoin pour'apprécier notre autre rendez-vous avec l'Histoire, le site d'Angkor.
Nous souhaitions aller voir le soleil se coucher sur l'ancienne cité, du moins sur Angkor Vat (le temple principal), mais ce sont les nuages qui nous ont accueilli. Dans la luminosité descendante du soir et la menace de l'orage, le temple était quelque peu morne mais surtout massif et imposant. Sa vieillesse et sa bonne santé étaient comme une provocation aux éléments qui n'ont pas tardé à s'abattre sur nous. Il semble éternel.
En rentrant, nous avons réussi, à ne respecter aucune de nos deux règles de conduite, ne pas rouler de nuit et ne pas rouler sous la pluie. Nous sommes rentrés trempés!

Bien sûr, puisque Éric est enseignant, je me suis rendu dans sa classe pour discuter avec ses 5 élèves. L'une d'entre eux a une histoire sympa. Elle vendait des babioles aux touristes sur le site d'Angkor pour aider sa pauvre famille à joindre les deux bouts, pas question donc pour elle d'aller à l'école. Un jour, un couple de touristes français décide de l'aider. Ils donnent de l'argent à la famille pour payer sa scolarité, mais aussi pour sa nourriture, ses habits et ce dont elle a besoin pour étudier, et surtout de quoi compenser la perte d'un "salaire". Elle est aujourd'hui une très bonne élève. Elle a aussi eu la chance de visiter Paris pendant les dernières grandes vacances.
En revanche, un petit coréen était lui le fruit de toutes les moqueries. Les enfants sont loin d'être toujours tendre entre eux.

Quand nous retournons visiter le site d'Angkor, c'est très tôt le matin, à la fois pour profiter de la fraicheur, éviter la foule mais surtout pour admirer le lever du soleil.
Nous manquons de le rater à cause d'un stupide ticket... mais heureusement, plutôt que de nous entéter à l'obtenir pour entrer, nous décidons de d'observer le phénomène depuis l'extérieur. C'était magnifique. Quand les bruits de la nuit font place au silence du réveil, quand le ciel s'éclaire et se compose de multiples couleurs mauves et violettes avant de laisser place à l'ocre et à l'or, les choses semblent comme suspendues dans le temps, et tous les regards sont tendus dans la même direction, subjugués par le renouveau. Le temple, majestueux, illuminé par l'astre flamboyant, c'était grandiose.

Nous commençons la visite par les sites les moins touristiques. Nous envisageons de visiter Angkor Vat sur les coups de midi, pendant que les autres touristes mangent.
Nous visitons le Bayon et ses piliers aux quatre visages, puis la terrasse des éléphants et la terrasse du roi lépreux et le Phimeanakras (le palais d'un roi).
Nous nous attardons au Baphûon, ce batiment dont j'ai oublié l'usage mais qui a une histoire In-Croi-Yable! Découvert par une équipe française en fort piteux état, et surtout bâti sur un socle sableux qui rendait la structure instable, il a fallu le démanteler entièrement, pierre après pierre, répertorier chaque pierre, la noter, reprendre les fondations avant de pouvoir remonter le temple. Sauf que voilà, ces deux parties de l'Histoire du Cambodge que j'étudiais se sont rencontrées. Lorsque les Kmers Rouges arrivèrent au pouvoir, les équipes archéologiques durent quitter le Cambodge... les mains vides. Ils n'ont donc pas pu emporter avec eux les plans du Baphuon. Ces derniers ont disparu lors des autodafés perpétrés par les Kmers Rouges.
C'est ainsi que la nouvelle équipe, qui n'a pu reprendre les travaux que 20 ans plus tard, a trouvé plus de 300.000 pièces de grès de 500 kg chacune, éparpillées, parfois encore avec l'annotation mais sans jamais savoir de toute façon à quoi elle faisait référence.
Amateur de Lego, amusez vous! Je vous rappelle que vous n'avez droit ni à un schéma de montage ni même à une image de ce à quoi il pouvait bien ressembler, seulement de quelques descriptions reccueillies auprès de ceux qui avaient encore de vagues souvenirs du batiment.
L’inauguration du Baphûon, en restauration depuis 1995, a eu lieu le 3 juillet 2011, en la présence du roi Norodom Sihamoni et du premier ministre français François Fillon. Pas de quoi crier Cocorico mais bon dans ces temps ou les media nous rabachent les oreilles qu'on est bon à rien, ça en réjouira certain de savoir que c'est faux (sachez que les media disent la même chose dans tous les pays touchés par la crise, peut être espèrent-ils toucher l'orgueil...).
On visite encore plein d'autres temples, d'autres sites religieux ou royaux. Nous visitons le fameux Ta Prohm, temple encore bien mangé par la jungle, célèbre parce qu'il fut l'environnement de jeux d'Angelinna Jolie, lors de son entrée en scène pour faire rêver tous les mâles du monde entier, lorsqu'elle incarna la sensuelle aventurière, Lara Croft lors d'une scène de Tomb Raider.

Le site entier d'Angkor est immense, les distances entre chaque site devant se faire à moto, nous suivons finalement l'ordre et abandonnons l'idée de visiter Angkor Vat à midi.
Angkor Vat a bien besoin d'une grosse heure et demi pour être parcouru, il en faudrait le double pour vraiment apprécier mais, après 10h de visite, nous sommes un peu gavés de pierre. Et ce n'est pas très digest :-)
Cela dit, bien que ce soit la deuxième fois pour nous, et que nous le visitions en fin de journée, je dis que ce temple est époustouflant!

Comment ces fous ont ils fait pour construire ce temple, l'édifice religieux le plus grand du monde, composé d'énormes pierres, toute sculptées, dans une plaine sans carrière et surtout loin de tout cours d'eau. Je vous rappelle qu'au XII°s, les moteurs n'existaient pas, ils avaient donc le choix entre le transport fluvial (ou maritime) ou la force animale (et autre petit rappel, les bovins sont sacrés pour les hindouistes...).
On dirait bien que le vieil adage qui dit que "la foi peut déplacer des montagnes" se vérifie ici.

Avant de partir de Siem Reap et de quitter le Cambodge, nous assistons à une représentation de dances traditionnelles. Les enfants de l'orphelina ACODO performent tous les soirs pour reccueillir des donations. C'était chouette. J'espère juste qu'ils y prennent autant de plaisir que nous. Ce ne sont que des enfants. Devraient ils devoir faire ça? Non bien sûr! mais l'orphelinat en dépend.

On passe la frontière sans problème le 3 juillet, et nous nous rendons directement à Bangkok.