J'arrive à Delhi le mercredi 29 octobre. Le train a été plutôt monotone. Mes trois co-voyageurs bengalais étaient très gentils mais la conversation n'a jamais prise.
Je me rends encore une fois à la poste restante. Toujours rien. Tant pis, je suppose que mon paquet est perdu.
Je suis hébergé par Rahul cette fois car Paras n'est pas disponible. Rahul vient juste de rentrer sur Delhi pour pouvoir m'accueillir avant de repartir pour Agra. Je ne me rappelle plus très bien où il était avant. Il est ingénieur en informatique et travaille principalement sur son ordinateur depuis n'importe où. Son appartement est plein, il est difficile de s'y déplacer. Il stocke des biens à envoyer au Cachemire pour les malheureuses victimes des inondations qui ont eu lieu le mois dernier (j'y étais la semaine juste avant les inondations).

Je me rends le lendemain à l'ambassade du Pakistan. Niet! Ils ne me laissent même pas entrer dans l'ambassade. "Nous ne délivrons de visa qu'aux Indiens, pas aux étrangers". Pas même de visa de transit (j'ai pourtant un visa pour le pays suivant, l'Iran). Après avoir insisté lourdement, ils finissent pas me dire que ce serait possible, si et seulement si j'obtenais une lettre de soutien de l'ambassade de mon pays. Tiens donc, je connais déjà cette pratique. Rappelez-vous mon problème avec l'ambassade d'Iran.
Il se trouve que l'ambassade de France fais vis à vis de celle du Pakistan. Malheureusement, quand je mentionne Pakistan, le garde à l'entrée, après avoir appelé sa hiérarchie, ne me laisse pas entrer non plus. "Nous ne voulons pas vous savoir au Pakistan, nous ne vous aiderons pas à obtenir un visa".
France, terre de liberté! Oui mais seulement là où ça nous chante!
Oh que j'étais en colère! A cause d'un petit con de chef qui  croit pouvoir décider du bien ou du mal pour ma propre vie, je ne vais pas pouvoir traverser le Pakistan par la terre. Grrrrrrrrrrr.... Dernière tentative, la mer! Rendez vous à Mumbai!

Je visite le temple du Lotus, un temple Baha'i.

Pendant mon séjour, j'ai fait très peur à une vieille dame! Un jour que Rahul n'était pas là, j'ai accueilli sa bonne (oui, c'est encore très répandu en Inde). J'ai bien compris que je la mettais mal à l'aise, alors j'ai dû insister pour qu'elle entre et fasse ce qu'elle avait à faire. Le lendemain, Rahoul me raconte mort de rire que, la veille, sa bonne a vu un fantôme dans son appartement. Elle lui a préparé son dîner pour qu'il ne se fache pas. Le fantôme, c'était moi!

Avant de poser un regard critique sur les Indes, et je vous demande de garder bien ça en mémoire quand vous lirez la suite, les Indes sont le pays où je suis resté le plus longtemps, plus d'un an. C'est un pays fascinant! Je ne peux qu'inviter tous les voyageurs (plus que les touristes) à s'y rendre.

Ma critique n'a rien de nouveau. J'ai pu constater que Gandhi quant il eut fini son tour des Indes après son arrivée depuis l'Afrique du Sud, avait déjà formulé des critiques très similaires. Jeune avocat anglais ayant grandi dans le luxe de Londres (même si il ne faisait pas partie des familles les plus aisées), il avait eut un premier aperçu des colonies anglaises quand il vivait en Afrique du Sud, mais en tant "qu' étranger" (Indo-anglais vivant en Afrique). Quand il rentre "à la maison" où il n'a jamais vécu, il décide de voyager pendant une année afin de découvrir les Indes.
Sa conclusion est la suivante (avec ma reformulation) : "Les Indiens sont fascinants par leur capacité à vivre simplement et à s'en satisfaire, preuve d'une grande richesse spirituelle. Cependant, il est sans doute possible de vivre simplement sans négliger l'hygiène."
Les Indes sont sales! J'admire la joie de vivre dans la simplicité mais je ne supporterai pas de vivre ma vie dans une poubelle.
Pourtant, les Indes sont pleines de couleurs, d'odeurs et de saveurs qui mériteraient d'être soulignées mais au final, c'est la crasse qui l'emporte. Et c'est triste.

Je me réveille à 3h dans l'aéroport de Téhéran, c'est incroyable quand même l'horloge interne.
Je vais attendre mes parents à la frontière en laissant mes affaires dans la salle de prière. Vers 3h30, je les vois, ils sont dans la file pour demander le visa à l'arrivée. Maman m'a vu, elle vient me dire bonjour, séparée par 10m de frontière. Elle retourne s'occuper du visa. Ca prend du temps, beaucoup de temps. Le gars des visas ne semble pas connaître les passeports de services que mes parents sont obligés d'utiliser pour entrer et sortir d'Arabie Saoudite (l'Arabie c'est comme ça, il faut des passeports particuliers, entre le normal et le diplomatique). Ca prend des heures!
Nous nous embrassons par dessus la barrière. Les douaniers sont indulgents. Je vais chercher les bagages des parents pour les leur donner (je suis du bon côté de la douane pour ça).
A 6h, la nouvelle tombe, ils n'auront pas leur visa. Il faut un passeport normal. Pour eux, c'est retour en Arabie avec le prochain vol. Nous sommes complètement bouleversés. On avait tout prévu...
Maman me donne des nouveaux Tshirt et un pantalon. Elle me donne aussi mes 500 € plus les 500 € qu'ils avaient prévu pour la semaine. Je n'aime pas trop me ballader avec autant d'argent sur moi, mais ici, je n'ai pas le choix (Pour rappel, les sytème VISA et Mastercard n'existe pas puisque l'Iran est sous embargo).
A 7h, les douaniers en ont marre de me voir dans le coin. Ils nous obligent à nous dire au revoir et me forcent à partir.

Je me retrouve à nouveau seul dans la grande salle de réception des valises. Je ne sais pas où aller. J'allume mon ordinateur pour consulter mes emails. Bingo, je savais bien qu'un Iranien de Téhéran m'avait donné son numéro de portable. J'emprunte un téléphone à quelqu'un et j'appelle Morteza. Le pauvre, je n'avais pas réalisé l'heure, je le réveille!
Ce n'est pas grave apparement, il me répond chaleureusement et m'invite à venir. Il m'attend. Il s'occupe aussi, par l'entremise du propriétaire du téléphone de me mettre dans un taxi pour aller chez lui. Ca coûte 13€ mais je ne suis pas en état de penser à ça, de le réaliser. Avais-je d'autres options?

Dans le taxi, la déception et le chagrin m'arrache quelques sanglots avant de m'endormir.

 Le dimanche 7 décembre, je reprends la route vers l'ouest, vers Tabriz. Je me rapproche de la Turquie et de l'Arménie car si mes parents n'obtiennent pas leur visas, nous nous retrouverons dans l'un de ces deux pays.
Ca commence plutôt bien avec deux sessions de stopautomatic, c'est à dire des gens qui se sont arrétés pour me prendre alors que je marchais sans tendre le pouce.
Le troisième stopautomatic est un peu différent car je marchais en direction de l'université en compagnie d'un étudiant. Le conducteur s'est arrété pour l'étudiant, pas pour moi.
Une camionnette m'emmène ensuite jusqu'à Chalus. La discussion porte très vite sur le sexe, la prostitution, l'homosexualité, la misère sexuelle en Iran, quoi. C'est un sujet qui reviendra souvent à l'avenir. L'Iran est plein de tabous, les Iraniens en ont moins (sauf la minorité religieuse bien sûr !).
Je marche jusqu'à la sortie de la ville où je me fais alors embrouiller par un conducteur. Je ne sais pas encore comment dire "gratuit" en farsi (autre mot pour la langue iranienne ou perse) alors je lui demande s' il n'est pas taxi, en anglais. Il confime plusieurs fois qu'il n'est pas taxi. Pourtant, plus tard, alors que je lui explique mon mode de voyage, il me demande combien je vais payer. Quand il comprend la mésentente, il s'arrête pour prendre d'autres gens sur le bord de la route, ce qu'il ne faisait pas avant. Comme je n'ai pas encore dépensé un centime dans ce pays, je n'ai aucune idée du prix du taxi, je lui dis de prendre ce qu'il veut dans les billets que je lui tends. Il prend 20.000 tomans (en taxi partagé, cela aurait dû être plutôt 10.000, mais en taxi privé 40.000). Il me dépose à Tonekabarn.
Un camion m'emmène jusqu'à l'intersection sur la route principale pour Rasht. Avec l'aide d'encore une voiture et un camion, je comble les derniers 10 kms. Il est tard, déjà. Je prends un taxi partagé pour me rendre chez mon hôte. J'arrive chez Maziar à 20 h.

Aller-retour hivernal en Arménie

C'est donc le mercredi 17 décembre à 17 h que j'entre en Arménie.
A la sortie de Meghri, le premier village d'Arménie, je suis pris en stop par Hovo dans sa vieille camionette 4x4. Il me propose de m'emmener pour 12 kms. C'est toujours ça à prendre. Quand on arrive là où il pensait me déposer, il remarque qu'il fera bientôt nuit et me propose de me redescendre à un hôtel de Meghri. Je lui demande si je ne peux pas plutôt dormir chez lui. Il sourit et accepte.
Il me dépose dans sa ferme dans un hameau de montagne. Il me laisse avec ses trois gamins de 10, 9 et 3 ans avant de repartir pendant 2 hs pour, j'imagine, s'occuper des dernières activités de la ferme. Je passe ce temps à rigoler avec le plus petit et à donner des coups de pouce stratégiques aux plus âgées dans leur jeux vidéo sur internet.
Quand les parents reviennent, je montre quelques photos de ma famille, de la France et de mon voyage.
J'expérimente ensuite la douche, en hiver, en Arménie. La maison est composée d'une grande pièce qui sert à la fois de hall d'entrée et de cuisine. Sur la droite au fond, il faut descendre quelques marches pour trouver la salle de bain. Les toilettes sont à l'extérieur, dans la cabane au fond du jardin. Et enfin, une petite pièce sur la gauche à l'entrée sert de salle de vie, de salle à manger et de chambre à coucher car elle seule est chauffée. Et dehors, il fait froid, c'est l'hiver d'Arménie.
Oui, c'est ça, la salle de bain n'est pas chauffée! Il est par contre possible d'avoir de l'eau chaude en allumant le ballon d'eau quelques minutes en avance.
Qu'est-ce qui est le plus difficile? Une douche dans le froid avec de l'eau chaude (hiver en Arménie) ou une douche dans le chaud avec de l'eau froide (hiver au Népal)?
Nous nous couchons tôt car les activités de la ferme démarrent à 5h.

J'arrive très tôt, chez mon nouvel ami, Omid, le dimanche 18 janvier 2015.
Mes parents viennent de recevoir l'équivalent du MFA iranien pour l'Arabie Saoudite. Je peux donc dès maintenant me rendre à Dubaï pour récupérer mon visa et les rejoindre. Avant ça, je souhaite tout de même visiter un peu plus l'Iran et puis mes parents vont rentrer en France pour les vacances de février. Je pense donc arriver juste après.
Le soir, Omid organise une rencontre CS dans un restaurant pas loin. L'ambiance est bonne. Chacun raconte un peu qui il est et pourquoi il a rejoint CS. J'y rencontre Alberto, un espagnol en voyage pour quelques jours en Iran. Je retrouve Sataar aussi, une vraie surprise. Nous nous étions rencontrés un an et demi plus tôt à Kuala-Lumpur. Nous étions tous deux hébergés chez Hui. Ii m'avait accompagné à l'ambassade du Myanmar avant que je lui fasse faire tout le tour de KL en marchant (il s'en souvient :-).
Autre surprise, Alberto et moi avons le même itinéraire pour les prochains jours, et le même premier hôte- CS à Kashan. Je l'invite donc à voyager avec moi en auto-stop plutôt que de prendre le bus.
Je laisse le fromage arménien dans le frigidaire d'Omid, à qui j'en donne un peu.

Mohammad vient me chercher à la gare routière à 4h du mat, un frère !
Je passe sur quelques détails de mon séjour ici mais sachez que Mohammad est un de mes meilleurs amis, désormais.
Je l'ai aidé à déménager (il était le dernier d'une colocation et va bientôt étudier dans une autre ville). Je l'ai aussi aidé avec des embrouilles de paiements universitaires.
Il m'a présenté plein d'amis, et notamment Erfan, un futur voyageur, aujourd'hui travailleur social avec qui j'ai eu de longues conversations politiques, sociales et économiques (je lui parle du dividende universel, de la théorie relative de la monnaie).
Nous hébergeons pendant deux jours le petit ami d'une amie qui vient faire sa demande en mariage aux parents. L'histoire est tragique puisque la mère va finalement dire non. Le pauvre ! Il était pourtant charmant et avait tout pour plaire, sauf qu'il venait d'une région "lointaine" d'Iran... Je vous en foutrais des régions lointaines, Madame !
C'est qui cette imbécile ?
Je prépare mes traditionnelles ratatouille et mousse au chocolat chez les parents de Mohammad.
Nous sommes allés visiter Kalut, un désert aride, un désert de silence ! C'était un peu loin mais ça valait l'aller-retour ! Je n'ai jamais (ou bien je ne m'en rappelle plus, j'étais petit) expérimenté un silence aussi... assourdissant ! Sans vent, sans support, le son ne voyage pas. Même les camions qui passent sur la route pas loin semblent se taire. C'est tellement aride qu'il paraît qu'il n'y a pas de vie en été ! Les iraniens clament que c'est l'endroit le plus chaud sur Terre. J'ai déjà lu ça au sujet de Turpan dans le Xinjiang en Chine.
Nous avons assisté à une célébration zoroastrienne, un grand brasier sur une place publique.
Mohammad qui m'a posé beaucoup de questions sur mon voyage est très curieux d'essayer l'autostop. Il me demande de l'accompagner à Sharut pour y faire son inscription universitaire. Après un master sur l'étude des stupéfiants d'un point de vue de la psychologie, il va les étudier d'un point de vue médical. J'accepte, à la condition qu'au retour, nous prenions le temps de visiter Mashhad.
Je laisse mon gros sac et n'en prends qu'un petit  puisqu'il n'est question que d'un aller-retour. Je laisse bien sûr le fromage au frigo.

Un CSer de Bandar Abbas m'a invité à le rejoindre, lui et son groupe, à faire le tour d'une île du Sud de l'Iran, à vélo, le week end qui arrive. Pour cela, il faut absolument que je renouvelle mon visa ici et maintenant à Shiraz!
Sinon, ce n'est pas trop grave, j'irai quand même dans les îles, à condition de faire renouveler mon visa quelque part avant 5j, pour y retrouver Kei et Yuki. Ce n'est pas dans leur itinéraire du tout, mais pour des japonais, des habitants d'îles, n'avoir pas vu la mer pendant un an n'est plus supportable. Ils font donc une entorse à leur projet et se rendent à la mer en bus (avec leurs vélos dans la soute) depuis Mashhad (ils y ont laissé la moitité de leurs affaires).
Mike aussi doit faire renouveler son visa. Nous allons donc ensemble au commissariat des affaires étrangères. Il est difficile à trouver car non indiqué, bien sûr.
La réponse est immédiate. C'est non! et c'est le boss qui le dit. "Revenez dans trois jours" (pourquoi trois?, on est déjà à moins de 5j chacun de l'expiration de notre visa). Je joue la comédie, presque au bord des larmes pour titiller la corde de la compassion ou celle de l'orgueil (c'est bon, on a compris que t'étais le petit chef qui a tout pouvoir, maintenant fais nous plaisir...). Rien! Il ne m'a même pas regardé dans les yeux ce petit "(&!;(]&"#="+ Son comportement m'exaspère et m'énerve. Je sors furieux!
Mike part peu après pour Téhéran. Moi je ne veux pas retourner encore à Téhéran. J'essaierai à Kerman.

Je quitte Ahvaz le mardi 10 mars en milieu de journée seulement, car Moodji a pris sa matinée pour m'aider au maximum à essayer d'obtenir quand même le renouvellement de visa, ici (rien à faire).
Avant de rejoindre Téhéran, puisque je suis dans cette région d'Iran, autant s'arrêter en route pour visiter ce qui vaut un détour. Je m'arrête à Shooshtar, une ville qui abrite un des plus vieux systèmes hydrauliques du monde. J'y arrive grâce à une voiture et un camion. Le conducteur du camion s'est arrêté à Molla Sani pour me faire goûter les meilleures glaces de la région. Ces glaces sont l'occasion d'une sortie de week-end pour les familles d'Ahvaz. Il me dépose à l'entrée de Shooshtar.
Quand je demande mon chemin à un jeune, je me retrouve invité à la maison pour boire le thé. Je décline l'offre du déjeuner car je sais que Babak (un autre, pas celui de Mashhad) m'attend. Le jeune me conduit ensuite chez Babak en voiture.

Le dimanche 5 Avril, après un petit déjeuner offert à 7h, nous arrivons dans le port de Sharjah (Emirats Arabes Unis) vers 8h30 et débarquons à 9h. Le passage à la douane est une vraie blague. C'est la meilleure introduction à l'inefficacité et l'incompétence du peuple arabe d'aujourd'hui. Les douaniers arrivent plus d'une demie heure après nous. Ils sont 5. L'un d'eux passe derrière le comptoir se prépare, longtemps, avant d'allumer son ordinateur. Trois autres papotent entre eux et le dernier attribue un ordre de passage aléatoire et changeant. Les Iraniens se plient au jeu. Pour nous, les deux gars de Hong-Kong et moi, c'est différent. On nous a pris nos passeports et nous attendons. J'ai cru à un traitement de faveur, ce qui n'est pas souhaitable (mais quand même bien pratique parfois, avouons-le), mais non, la discrimination n'est pas positive cette fois. Ils ont préféré s'occuper de la routine d'abord avant de se pencher sur les cas particuliers. D'autant plus qu'il leur fallait tirer au clair cette histoire étrange des deux Chinois qui ne sont pas chinois. Ca les a beaucoup perturbés. "C'est où Hong-Kong?" J'ai cru m'étouffer de rire. Heureusement pour mes amis, le prestige de mon passeport français les a un peu aidés quand j'ai énoncé d'un ton péremptoire et sans équivoque que bien sûr, les citoyens de Hong-Kong ne sont pas chinois et qu'ils bénéficient, tout comme moi, d'un droit d'entrée sur le territoire émirati sans visa. Trois coups de tampon et nous quittons le poste frontière à 11h30...